220 JOURNAL DE MARIE LENERU
n’ai jamais reçu une telle impression de soir. Et l’étoile au bord du nuage, elle est si vespérale ! Ce n’est pas une étoile comme les autres, une étoile à grande veillée. On sent qu’elle aussi va s’en aller comme le laboureur, qu’il n’y aura plus rien dans le tableau.
L’Exposition, c’est tout le résultat humain. Au delà il n’y a rien, la sauvagerie vierge, l’homme n’existe pas plus qu’aux premières périodes géologiques. Voilà les frontières de la bête à cerveau, les limites de l’habitat intelligent ; au delà de ce qu’on voit entre le Trocadéro, le Champ de Mars et les Inva- lides, la terre est rase d’humanité…
25 octobre.
Mon retard sur la vie. En voyant les autres avancer en dehors de toute réflexion, de toute conscience de regret, l’an- goisse du rattrapage impossible comme dans un cauchemar. Part du feu, dix ans de brûlés et quelle dizainel
Savoir prendre son propre masque.
Les femmes au Bon Marché : les élégantes ont seules cette supériorité physique, symptôme de quelque chose de moral. Il faut la circonvallation de la richesse pour préserver la femme des tares populacières et bourgeoises.
Mercredi 7 novembre.
À Marie B. — Il y a des jours où je ne crois qu’aux vanités. Il me semble que rien de « noble » ne pourrait quelque chose pour mon bonheür. Je me suis perdue dans le creux du « pro- fond ». Puisqu’on doit toujours s’ennuyer et s’écœurer à l’ex- périence, il faudrait éviter de profaner « les idées, élevées ». On passerait son scepticisme sur les vanités et on se croirait