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ne dit pas. Il faut des silences en prose, comme en musique. Il est facile, avec notre expérience des mots, d’accueillir toute pensée, d’en faire œuvre d’art.

Mais on n’isole, donc on ne donne la forme, qu’avec le vide. Prenez garde de tout dire, de faire la vie trop éloquente. « Je meurs ! » ne vaudra jamais en émotion le dernier soupir.

Délivrer la littérature de sa loquacité, Et, chose paradoxale, ne serait-ce pas la forme dramatique qui donne ce contour le plus sec de la vie ? L’auteur est Supprimé, la description, le récit, tout ce qui n’est que forme grammaticale,

18.

Je ne peux plus lire : du procédé partout, On ne peut éviter les manies spirituelles. Oh, les anges, les lampes et Les portes de Maeterlinck ! Les miroirs, les vitres, les lustres, les cloches de Rodenbach ! Les flèches, les heures, les désirs et choses « déco- chées » de d’Annunzio. — Un roulement de métaphores, voilà de quoi nous vivons. Cela prend des naïvetés d’antithèses fa- ciles, des enfantillages de jeux de mots… Et voilà ce qui nous emballe ! }

Un mot, une syllabe est la clef du ciel littéraire : comme, On l’escamotera, mais son esprit veillera sur chaque renouvelle- ment de phrase, Et, si un pape littéraire s’avisait de mitiger l’observance de ce « comme », tout péricliterait, il n’y aurait plus de style, Car la méthode en lettres est la même qu’en sciences : classer, trouver des rapports. C’est la même opéra- tion de l’esprit qui trouve les belles métaphores et les belles découvertes mathématiques. « Car, dit Laplace, les découvertes consistent en des rapprochements d’idées susceptibles de se joindre et qui étaient isolées jusqu’alors. »

Lundi 25. La pensée de la mort ne me quitte guère, mais elle ne m’en

est pas plus douce. Jamais je n’ai désiré mourir. Je n’ai jamais eu les goûts faciles qui simplifient.