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ANNÉE 1901

ANNÉE I9OI 243

Quand je me résignais déjà, la croyant morte, C’est mon âme d’enfant qui ressuscite en moi.

Oui, c’est bien cela ! pas seulement les choses, mais cette atmosphère entre elles et nous qui est le goät de la vie. Je reconnais cet indéfinissable qui ne peut être que moi et revient de si loin !

Guérir lentement, guérir tard est une chose effrayante, C’est maintenant que je ne supporte plus rien : « Ils ne voient rien qui marque assez pour mesurer le temps qu’ils ont vécu. Et néanmoins, comme ceux qui se réveillent, ils sentent qu’ils ont dormi longtemps. »

Si j’étais de ceux qui demandent des pourquoi à la vie…

Tant d’âme et de fluide me sont rendus par les yeux qu’il me semble à moi seule pouvoir me charger des oreilles. Et puis qu’importe ? Des yeux parfaits, des yeux qui vengent, de plus en plus ce que je les ai revus aujourd’hui, me suffiront pour finir la vie. Des yeux qui me valent enfin, de beaux yeux mé- chants pour bien dire : non.

Samedi 10 août.

Répondu à M. C. : J’aurais voulu vous répondre plus tôt, car après votre morale si convaincue je crains toujours de sembler mal prendre la contradiction, comme je redoute aussi de vous peiner en confiant à des lettres qui oublient tant de nuances, des objections que vous avez le devoir de ne pas comprendre.

Pourquoi l’ai-je fait une première fois ? Je crois pour ne pas vous prendre en traître, Nous nous sommes rencontrées à une heure de foi et de vocation communes et cela nous a de suite trop liées, ma chère Madeleine, pour qu’une telle dissimulation fût possible entre nous. Je vous ai donc avertie et si jai ré- pondu aux objections que vous me faisiez, je n’ai jamais en- gagé moi-même une discussion qui ne peut se faire que d’in- folio à in-folio. Ainsi, ma chère amie, si elle vous déplaît, ne croyez pas n’avoir que l’alternative d’un désolant silence. Moi,