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Le marin est bien autre chose qu’un militaire, Il a la grâce de l’athlète, l’intelligence d’un voyageur, la distinction que donne la solitude et le « silence des espaces » et aussi l’aven- ture dangereuse. Je pense moins aux officiers, mais j’ai l’amour de mes hommes.

Quand je croise ces jolies figures sérieuses, parce qu’elles sont si simples, que je les sais adorables de bravoure et d’en- fantillage, j’ai envie de leur serrer la main, de leur taper sur l’épaule comme ferait un vieux chef, j’ai envie de les décorer !.

Je ne pourrais plus trouver dans la marine un milieu pour moi, mais si je me mariais, ce serait un grand regret nostal- gique de ne pas épouser un marin.

Faute de rois, comme Madame, j aimerais dans ma famille, ne trouver que des navarques.

Dans le salon de ma grand’tante où j’écris ceci, il y a de grandes peintures, les portraits d’un amiral, d’un commissaire général de la marine et de deux capitaines de vaisseau.

Je ne peux jamais penser sans révolte à l’amiralissime qu’eût été mon père, J’ai suivi avec passion la carrière de l’amiral Fournier, tous deux valaient le même avenir, et Fournier n’était pas le gendre de l’amiral Dauriac.

1901. Paris, 17 novembre.

On veut me faire connaître le chanoïne Brette. Mon Dieu, j’en serais flattée, mais on a tort de croire qu’un homme, c’est-à-dire une conversation toujours superficielle, ait plus d’importance qu’un livre, S’il est intelligent, tout ce qu’il pourra faire, c’est dire comme Massillon : « Elle est charmante » et « Un catéchisme de cinq sols ». Sinon ce Cartésien va me servir la philosophie d’il y a deux cents ans. Car les catholiques s’illusionnent de se croire à l’abri des « systèmes ». Si la religion n’était pas une philosophie, elle ne pourrait pas avoir d’opi- nion sur les mystères, elle n’aurait pas de dogmes. Elle est donc une philosophie, mais sans esprit philosophique.