Page:Journal (Lenéru, 1945).pdf/275

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
271
ANNÉE 1902

|. vit ANNEE 1902 27I

gellée par le vent, si épaisse que la lumière seule des éclairs ouvait la rendre diaphane. »

En littérature il aime ceux qui savent « élever un détail à la hauteur d’un fait ». A-t-il lu ça quelque part ?

La marine en 1866 était plus aristocratique qu’aujourd’hui. Il y avait à bord de la Guerrière un Chabannes, un Turenne, un Borghèse et, au fort de la Montagne, au Japon, un Morte- mart.

2x octobre.

La vérité est que les analogies entre la marine et l’armée sont nulles. Les officiers de marine sont, en premier lieu, des explorateurs très mathématiciens et très géographes, accom- pagnés, il est vrai, d’un matériel de premier ordre dont ils savent se servir. Mais s’ils ont du goût pour les canons à tir rapide et une générale prédilection pour les torpilles c’est en somme, en curieux, en érudits, en collectionneurs fiers de leur galerie.

Et surtout, ils sont des diplomates et presque des plénipo- tentiaires, de moins en moins malheureusement, mais en cam- pagne ils sont encore une ambassade, ils reçoivent les souve- rains et en sont reçus. Ils ont ce charme de la vie diploma- tique, ce pittoresque des cours et des sphères élevées, les fré- quentations internationales.

Paris, 1 novembre.

A table, sur les sept femmes que nous étions des pensées furieusement sombres. Ainsi voilà comment vieillit la femme seule : une institutrice de 60 ans courant encore par tous les temps, une vieille religieuse inutile et puérile, une veuve qui ne se tire pas de sa ruine par la médiocre pension qu’elle dirige, sa fille incapable de gagner les 60 francs par mois d’un jardi- nier. Maman, dont mon père eût fait la vie si différente… Un frisson continu devant le néant, l’exil des journées de femmes,