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290 JUUVRNAL DE MARIE LENÉRU

Ce qu’il y a d’ouvert dans le Trez-Hir, de mon lit, du fond de ma chambre, les Tas-de-Pois debout à l’ouest, pierres druidiques en pleine eau, ruines d’Atlantides, c’est bien Le parvis des continents, pour moi, la grande Porte d’Occident, le seul endroit du monde par où vraiment l’o# sorte, par où Le Français, la semaine dernière, s’en allait au pôle sud.

Le Journal des Gonrourt auquel je retourne périodiquement, qui est peut-être ce que j’aurai le mieux aimé avec la Corres- pondance de Flaubert : ce livre fait uniquement de ce que j’ai perdu dans les choses et dans les hommes, le détail et la con- versation, il est cordial, chaud et résonnant de parole humaine. Il montre la fin vraie, la fin qui ne vole pas des notoriétés artistiques, la camaraderie entre pairs, les échanges entre égaux, la compréhension toujours à portée de la poignée de main. Quand Edmond et Jules de Goncourt auraient payé de ces maladies de cœur et de foie auxquelles ils attribuaient leur talent, la familiarité de Gautier et de Gavarni, la littéra- ture se fût montrée belle joueuse à leur égard.

Il faudrait prendre dans Saint-Simon et tout l’adorable XVIIe siècle une pièce de la vie ancienne, quelque chose comme une belle gravure authentique, l’appeler « Versailles » et la traiter dans toute la grandeur, sans romantisme et sans verbiage, de l’histoire et du passé. Finir à la mort du duc de Bourgogne là où sombra l’espoir d’un règne qui n’était pas de ce monde. L’intrigue est très suffisante avec ce plus haut des princes, mal aimé de sa femme, regretté de toutes les au- tres et que Dieu ne console pas.

L’admirable regret de Saint-Simon : « Je ne l’ai plus vu depuis. Plaise à la miséricorde divine que je le voie toujours où sa bonté sans doute l’a mis ! »

Paris, 10 novembre,

Quand on a commencé d’écrire, on se tait trop. On se désha- bitue des relations orales. D’abord, pouvant être lu, on tient