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JPYLURNAL JE MARIE LENLRU

talement que les femmes à qui j’ai vu traverser les phases connues du mariage et de l’aventure, Il n’y a dans la vie que ce qu’on y met, ce qu’on apporte, Si je rencontrais demain la belle occasion sentimentale je ne regretterais pas les années perdues, je ne me dirais pas qu’elle arrive trop tard. Je pen- serais aux livres de la Sibylle. Il y a 15 ans, il ya1oans, ily a 5 ans même, je n’aurais pas trouvé en elle ce que j’y trouve- rais demain. Je ne crois pas du tout à la jeunesse, on ne de- vient sincère, on ne devient soi qu’après 30 ans.

Eh bien, en toute sincérité, et pour les aveux d’outre-tombe, quelle est cette sensibilité, telle que ma vie, ma vie à moi, si différente, a pu la travailler depuis 20 ans ?

D’abord un grand dégoût de ce qui ne compte pas ct quelque chose d’infaillible et de tranchant dans l’art de le discerner, car ce qui ne compte pas se paie d’un farouche ennui. Or, en dépit de tout ce que je suis, mon journal en fait foi, je n’ai jamais cessé d’avouer que je m’ennuyais, C’est pourquoi je ne prise guère les gens qui ne s’ennuient jamais, car je sais bien que si j’étais à leur place. C’est pourquoi aussi « mes succès » ne peuvent pas grand’chose pour mon bonheur actuel et ne me distraient presque pas. J’ai dit de suite « cela ne se sent pas » et pour en arriver à ceci, que le mot de Mme Swetchine est admirable : « C’est par l’esprit qu’on s’amuse, mais c’est par le cœur qu’on ne s’ennuie pas. » — N’allez pas conclure que je donnerais mon talent pour une vie normale, « pour être aimée ». Si j’ai eu mon talent, c’est bar exigence amoureuse, il est la mesure de ce que je valais en amour. Et j’ai besoin de lui, et je ne me passerai pas de lui à cause de ces droits nouveaux qu’il me confère, que je me suis tant cherchés, auxquels j’ai senti, à dix ans, que je don- nerais ma vie, quand je les demandais à la sainteté : les droits au plus grand amour possible :

Encore un article à la Dépéche de Toulouse, et le débat d’idées qui n’est pas le conflit des cœurs, et mon style polaire, etc. Qu’un homme intelligent peut donc être bête ! D’ailleurs je ne sais pas si celui-là est intelligent,