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ANNÉE 1913

ANNÉE 1913 IO janvier IOT3.

et pour le Bergsonisme, je n’aime pas les romans de

Benda. Ce qui me prouve que la philosophie est le plus détestable fondement d’un talent de création, roman ou drame, œuvres d’observation vivante, bien plus que d’ana- lyse. Ou du moins, l’analyse du romancier et du dramaturge n’est pas celle du logicien. — Il ÿ a un instinct sûr dans l’hor- reur que j’ai prise des philosophes, je veux dire dans la peur de les lire depuis que je dois inventer quelque chose. Je sens que je n’ai rien à gagner par eux, qu’ils me fatiguent inutile- ment, qu’ils me ralentissent et me détournent. J’excepte, bien entendu, Montaigne et Nietzsche, Pascal, La Bruyère et tous ceux de cette sorte, bien plus des essayistes que des philoso- phes proprement dits et qui sont au contraire d’admirables instruments de travail.

Mais les grandes machines à systèmes ! Kant, Schopenhauer, et autres. Passionnants en tant que métaphysiciens, surtout comme critiques desmétaphysiques antérieures, quelle misère, quel ennui dès qu’ils en viennent à la psychologie et aux « beaux arts » quelle ignorance du « cœur humain » pour par- ler comme les maîtres que j’aime. Exception faite toutefois de la psychologie du philosophe, de « l’homme de la con- naissance » et Nietzsche lui-même n’échappe pas à la règle, à ce parcage du philosophe dans la connaissance des autres philosophes et de nulle autre espèce d’hommes.

M qui me suis emballée pour les Dialogues d’Eleuthère