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348 JOURNAL DE MARIE LENÉRU

A l’heure actuelle, la médecine et la biologie peuvent bien plus pour les romanciers et pour nous, ne serait-ce qu’en nous enseignant la force et la rigueur du vocabulaire juste.

Non, Benda ne fait pas de psychologie ; outre que la femme et l’enfant n’existent pas dans l’Ordinalion, l’homme lui-même ne sent qu’en tant que philosophe et même en tant que philo- sophie. C’est une glose de scoliaste. Ce n’est pas même la psy- chologie du philosophe, c’est celle du théologien, c’est-à-dire de l’homme bâti sur deux ou trois thèmes de foi.

On ne peut pas vivre par l’Idée — oh ! ces expressions ! — et par le cœur, l’amour est l’ennemi de l’œuvre — encore !

Démarcations de pédants et d’impuissants, tout cela sent le rapin. Et puis quel gobisme de la performance humaine, quel émerveillement devant « le penseur ».. Dieu sait que je suis aussi un tenant de l’intelligence et de tout ce qui la fait vivre. Pour moi, hors d’elle, point de salut, pas même pour « l’amour ». Mais Les philosophes, quels pauvres personnages… l’aristocratie humaine n’est pas là. Ils sont pour moi de grands ingénieurs, les manœuvres de la pensée, mais pas nécessaire- ment supérieurs à l’homme qui les comprend et qui les juge et qui existe encore au delà de leur spécialité.

Il faut avoir un cerveau, mais il faut avoir aussi de l’esprit, il faut avoir un corps élégant et sportif incompatible avec un travail de maniaque. Il faut avoir un caractère et même de la domination, il y a des chefs et des hommes d’État en ce monde. Il faut avoir un cœur et des affections et même des passions, il faut avoir une famille et si l’on peut une grande famille, car, ô philosophes, c’est tout le charme de ce monde de vivre avec des gens bien élevés.

À Georg Brandès : « On peut n’avoir pas peur d’un crime et reculer devant un geste… »

Barrès et Blum, quels professeurs de jeunesse ! Il faut avoir l’air jeune fille comme ils ont l’air jeune homme. Cette jeu-