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364 JOURNAL DE MARIE LENÉRU

c’est glorieux ! Ce pessimisme du gouvernement est fait de tant de choses que je n’aime pas. De frousse d’abord, ils ont plutôt prématurément filé. Ensuite comme ils ne savent pas plus que moi jusqu’à quel point nous paierons cher la victoire, ils tien- nent à Ce qu’on sache qu’ils ne se payaient pas d’illusions et qu’ils avaient prévu ce qui arrive, Seulement comme, après tout, les choses peuvent mieux tourner, Z. « désire même qu’on parle aussi peu que possible de ses lettres. » Enfin, last and not least, ils ne sont pas militaristes, et ils préféreraient mille fois devoir la victoire à la famine qu’à nos armées et nos généraux.

Comme le tempérament et l’éducation se retrouvent tou- jours. C. écrivait : « S. et G. sont d’un optimisme incroyable. Pour eux tout ce qui est fait par des militaires est bien fait, » Quelle terreur d’être trop optimiste, d’avoir paru trop con- fiant.. Comme l’amour-propre est toujours le premier servil

Ab ! puisqu’il faut appartenir à une caste, être par en haut avec les aristocrates et les enviés, avec ceux qui croient en eux- mêmes, dussiez-vous leur prouver le lendemain qu’ils se sont trompés, être avec vous officiers, sous-officiers et soldats, vous si cruellement éprouvés et de qui n’émanent que des nouvelles tonifiantes.

Neuilly, déc.

A Mne Duclaux : J’avoue que je n’ai pas l’allègre résignation del’Echo de Paris, je ne trouve pas que ce soit le rôle des non- combattants, et je plains ceux qui se croient obligés de parler et de dogmatiser en ce moment. Plus on me dit : « c’est admi- rable », plus je pense : « c’est horrible ». Et si l’on insiste quoti- diennement comme Maurice Barrès, je me rétracte, je ne peux pas m’empêcher de sentir là quelque chose d’intéressé et comme la reconnaissance de l’estomac. Pourtant M. deMunne me produisait pas cet effet. D’abord je le savais chrétien, ce qui peut changer les points de vue, et puis c’était un soldat, ce n’était pas le défenseur intellectuel de la boucherie. Voilà ce qui est impardonnable, ceux qui acceptent la guerre au nom