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être, avant de mourir, par quelles mesures on ne peut plus posi- tives et semblables à toutes les lois et projets de lois votés jusqu’ici par les hommes, on réalisera une utopie et peut-être même plusieurs. J’ai beaucoup aimé l’article de Barrès, ven- dredi, sur la rapidité foudroyante avec laquelle cette guerre épuise les possibilités d’une lutte européenne.

A Mabel… Henry James, Book of France, est pénible à suivre mais émouvant à comprendre, Devant ces émotions on se de- mande si elles ne valent pas ce qu’elles coûtent, et il faut bien vite réagir contre cet entraînement du sacrifice, cette séduction de la mort, Hélas ! que ne feraient pas les hommes pour mériter qu’on les aime ? Aimons-les à un moindre prix. C’est ce que je demanderais à cette voix de sirène qu’est l’éloquence de Barrès. Ayez l’amour moins carnassier.

…" Vous avez certainement raison, pourtant je suis persua- dée que c’est une utopie, » Ah ! la timidité humaine, on a peur pour sa « jugeotte » personnelle, on veut d’abord en opé- rer le salut. On craint peut-être encore plus « l’utopie » que la guerre. Il faut procéder par voie d’autorité, leur montrer qu’il n’y a pas plus de sécurité pour l’amour-propre d’un côté que de l’autre, que l’on soït pour ou contre l’utopie. Car, en somme, ils sont « bêtes » et ne font attention à rien. La guerre, événe- ment politique, la guerre contingence, ils ignorent cela. Parce : que c’est douloureux, cela doit être « fatal ». Otez la douleur, ils comprendraient mieux la désuétude, la gratuité, la bizar- rerie du rouage diplomatique et gouvernemental.

A Marie G…, à propos du Book of France : « Mais enfin, l’héroïsme ne doit pas être la passivité, et l’absence de finalité de la guerre ne sera jamais assez dénoncée. Il y a chez nos : chefs intellectuels, une tendance à faire de l’héroïsme pour l’héroïsme, qui est par trop la marque professionnelle : l’art : pour l’art, » :

Quelle effroyable vie du cœur mais, tout de même, quelle : vie ! Voilà les plus tièdes attachements humains, les plus ba--