ANNÉE 1888 67
corriger pour que je les connaisse bien : Ze désordre, l’impa- tience, un peu la paresse, un peu la coquetterie, le mensonge 1. Oui, j’ai bien du désordre, tous mes cahiers traînent et pour m’en corriger, je prends la résolution de ne jamais voir une seule chose qui ne soit pas à sa place sans la ranger immédia- tement.
Je suis aussi très impatiente, avec Henriette surtout. Je vais commencer par lui corriger de suite sa rédaction ; elle me l’a demandé et je lui ai répondu que je le ferais plus tard, et comme elle m’a dit de le faire au moins avant déjeuner, je lui ai répondu que j’étais déjà bien bonne de la lui corriger et que je n’y étais pas forcée. Je me trompais ; il aurait alors fallu que ce soit maman qui la lui corrige et je suis toujours forcée d’em- pêcher maman de se fatiguer. Et pour m’empêcher de m’impa- tienter, je prends la résolution de ne jamais parler quand nous travaillerons, excepté quand Henriette me questionnera ; ça m’empêchera en même temps de devenir bavarde, ce dont j’ai peur, et de mal travailler.
Pour me corriger de ma paresse qui est un péché capital, mais que je n’ai pas trop, heureusement, je prends la résolu- tion de me faire un règlement de vie où le temps que j’emploie à jouer le matin sera pour faire mon journal. Car je sens que mon journal me fait beaucoup de bien ; il aide à se connaître, ce qui est si difficile ; puis c’est très agréable, il vous semble qu’on cause avec son âme : puis, quel bonheur de se rappeler toute sa vie, ses moindres sentiments, de se rappeler soi, enfin. Puis, je vais entrer dans les plus belles années de ma vie, quand même celles de la jeunesse, mais d’une jeunesse qui sait jouir des réunions de la famille, de ces bons moments qui parfument toute une vie — (je ne crois pas que ce soit poseur de dire cela puisque personne ne le verra, excepté maman) —, Puis je vais être confirmée. Oh ! il faut que je me corrige bien vite de tous mes défauts pour pouvoir être digne
1. En marge et en lettres droites : Que j’ai eu tort de mettre cette ligne en petites lettres ; je la remarque toujours ! 1880.
