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JOURNAL DE MARIE LENÉRU

sommes allées à la gare avec tante et tonton Albert d’Auriac. On nous a laissés aller sur le débarcadère, mais dès que j’ai embrassé tante Gabrielle, j’ai éclaté en sanglots, qu’après j’ai eu bien de la peine à contenir. Comme on ne voulait pas annon- cer à Tante qu’on avait fait venir Tonton, Tante et tonton Albert, on aurait voulu fabriquer de fausses dépêches, des Dauriac à nous, nous annonçant leur arrivée ; nous avons aussi fait semblant de ne pas être allés au-devant d’eux ; on n’a pas voulu faire les dépêches ; nous sommes rentrés et nous avons déjeuné dans le salon. L’arrivée de Tante et de Tonton a fait beaucoup de bien à tante Alice.

Dans la journée, Fernande est partie avec les Boëlle pour Pen-ar-Vally où elle est encore. Pendant ce temps, je suis sor- tie. J’ai vu Mme Penquer — celle qui fait des vers — qui m’a dit qu’elle venait de la chapelle de la Providence où elle avait prié pour tante Alice, Je n’ai vu en fait d’amies que G. De- lorme qui, très gentiment, m’a demandé d’aller dîner chez elle tous les jours, de promener avec elle. J’ai répondu que je le ferais si je le pouvais, mais en réalité, je n’osais pas trop me prononcer, car j’aimais mieux rester avec Fernande, J’ai aussi vu Emma et Virginie Alix.

J’ai perdu ma journée en mentant ! Oh ! mais en mentant bien fort ! (Bien sûr, Fernande, que de mettre cela dans mon journal sachant que tu le liras, suffira à ma pénitencel) — Eh bien, donc, j’ai dit que j’ai monté à cheval et que j’ai une ama- zone, puis, en racontant un tas de choses sur Pierre Loti et sur son dîner ; j’ai dit qu’il m’avait promis de me dédier un livre, que son fils était déguisé en ménestrel —— je ne sais seulement pas ce que c’est — puis, j’ai eu l’air de connaître une certaine dame de Gif dont je n’ai vu le nom que dans l’IUustration 1, et enfin ! bien d’autres choses. Je n’ai dit que ce qui me coûtait le plus, mais j’en ai dit bien d’autres. Mon Dieu que c’est donc laid de mentir, mais c’est que c’est très difficile de dire la vérité, même dans son journal.

1. Ïl s’agit évidemment de Mme Juliette Adam,