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ANNÉE 1888

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Maintenant, je dois dire que cela m’a fait tout l’effet d’une ville, parce qu’on ÿ voit pratiquer tous les métiers ; on y voit des forgerons, des cuisiniers, des menuisiers, des ciseleurs, des peintres, des frotteurs, etc., etc… Nous avons vu l’apparte- ment du commandant ; sa salle à manger est très jolie, il y a des buffets Henri IT où Henri IIT ; je ne sais pas trop lequel des deux. Son salon est aussi très bien, mais il contient un gros : canon qui fait bien mal. Le carré des officiers est du même style que la salle à manger du commandant, mais il y a deux im- menses tubes à cuiller qui bouchent tout le jour, enfin, j’ai- mais mieux celui du Borda. Fernande, Suzanne et moi mou- rions de soif, nous n’avons pourtant pas osé demander à boire, aussi, en rentrant, nous sommes-nous précipitées sur des verres d’eau. Presque tout le bâtiment est éclairé à l’électri- cité, les cuisines ne sont pas si grandes que celles du Borde. A un moment, j’ai beaucoup ri, c’est-à-dire que j’ai eu très envie de rire, heureusement, je me suis contenue, mais voici la chose : Mme de F. demandait à tonton Albert Corrard qu’est-ce que c’était que les hunes de l’Asniral Baudin, car elles sont très drôlement faites, seulement elle n’a pas dit le mot « hunes », puisque, comme on va le voir, elle ne savait pas comment ga s’appelait ; alors Tonton lui a répondu : « Ah ces espèces de pigeonniers-là ? On y poste des canons-revolvers en cas de guerre ». Alors elle s’est tournée vers Suzanne en lui disant : « Tu vois ces grandes choses sur les mâts cela s’appelle des pigeonniers ! » — J’ai éclaté de rire en dedans.

Enfin, nous sommes revenus et nous avons accosté à la Grande Rivière ; le débarquement s’est fait sans encombre. Le soir, nous étions douze à table ; nous avons très bien dîné. Après diner, nous avons chanté sur la route, joué aux cheva- liers de la Marjolaine, puis, nous sommes remontés dans la salle à manger ; tonton Albert d’Auriac est monté et nous a bien amusés en faisant l’Anglais. Il a raconté le Petit chaperon rouge, des fables de La Fontaine, De Marseille à Martigue et De Martigue à Marseille. Enfin, il a fallu se séparer. Mme de F. à emmené Marguerite et nous nous sommes dit adieu en