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(Août 1822.)

national, la Grèce, sans Alexandre, aurait fini par devenir une province du grand roi : déjà il était parvenu à y faire exécuter ses ordres, en intervenant dans tous les différends des Grecs ; il en avait autant qu’il le voulait à sa solde, et il s’en fallait de bien peu qu’il ne fût réellement leur maître ; sans Alexandre, la Grèce subissait le joug, presque sans s’en douter.

Quand le roi de Macédoine triompha de Darius, il devint monarque de l’Asie ; c’est là le nœud qui explique toute la conduite politique de ce conquérant. Les Grecs, peu familiarisés avec le droit public de l’Orient, n’ont jamais pu y rien comprendre, et jamais ils n’ont pu pardonner à Alexandre de les avoir forcés de vivre en paix chez eux ; ils n’ont voulu voir en lui que l’oppresseur de leurs démocraties. C’est à travers une multitude de vaines déclamations, que la mémoire de ce grand homme nous est parvenue, et après plus de vingt siècles, nous le jugeons encore avec tous les préjugés de ses ennemis. Si l’on doit accorder quelque estime au funeste génie des conquérans, pourquoi n’admirerions-nous pas Alexandre ? nous admirons tant d’autres personnages qui sont célèbres au même titre, et qui certes ne le valent pas ! Le nom de ce héros semble destiné à partager éternellement la gloire de tous les autres conquérans qui tous, sont forcés de subir avec lui une comparaison qui n’est pas à leur avantage. Il n’eut presque qu’un défaut, et c’était un défaut macédonien ; il le paya bien cher, puisqu’il lui coûta la vie. Est-il un homme qui avec de si faibles moyens ait fait tant et de si grandes choses ? c’est avec trente mille hommes