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Page:Journal asiatique, série 10, tome 18.djvu/513

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UN TRAITÉ MANICHÉEN RETROUVÉ EN CHINE.

l’heureux hasard de la découverte de Touen-houang veut au contraire que nous possédions désormais en chinois le texte manichéen le plus détaillé qu’on ait encore retrouvé[1].

La traduction d’ailleurs n’en va pas sans difficultés ; les unes proviennent d’une terminologie toute nouvelle et ne se résoudront que peu à peu ; les autres résultent de l’état même du texte. Nous avons dû nous contenter de l’édition de M. Lo Tchen-yu, qui n’est pas un fac-similé ; mais il est vraisemblable qu’elle est bien faite, et c’est le manuscrit même qui paraît incorrect en bien des cas. De la date de ce manuscrit, nous ne pouvons pas dire grand’chose. L’année 1035 environ est naturellement la date la plus basse à laquelle on puisse le faire descendre, puisque la niche de Touen-houang fut murée vers ce moment-là. Le style est beaucoup moins littéraire que celui du fragment de Paris, lequel, d’après son écriture, remonte matériellement au viiie siècle et ne dut guère être rédigé en chinois beaucoup plus tôt. Le texte que nous traduisons aujourd’hui est rythmé en groupes de quatre mots ; c’est là un mode populaire dont les sūtra bouddhiques offrent maints exemples[2]. Provisoirement, il nous paraît vraisemblable d’admettre, pour

  1. MM. Grünwedel et von Le Coq ont encore rapporté à Berlin, surtout depuis le travail publié par M. Müller en 1904, d’autres documents manichéens, principalement en sogdien ; mais rien n’en est encore publié. Le seul renseignement précis que nous ayons à leur sujet se trouve dans les Sitzungsber. der k. preuss. Akad. der Wissensch., 1909, 25 février, p. 325, où il est fait mention de la présentation à l’Académie des traductions d’un important fragment cosmogonique en sept feuillets, d’un document manichéen sur la mort de Mâni, et d’une portion assez considérable des épîtres de Mâni à Mârî Amû.
  2. Ce rythme facilite la lecture à haute voix, mais le texte est en prose. Il est d’ailleurs très rare que les textes religieux du bouddhisme chinois contiennent de véritables vers, observant les règles de la versification chinoise. Par contre, le petit texte nestorien intitulé Éloge de la sainte Trinité, qui provient également de Touen-houang et est aujourd’hui conservé à la Bibliothèque nationale de Paris, a été traduit en vers réguliers de sept syllabes (cf. à son sujet B. E. F. E.-O., VIII, 518-519 ; ce texte est également édité dans le Touen houang che che yi chou).