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Page:Journal asiatique, série 11, tome 5.djvu/166

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JANVIER-FÉVRIER 1915.

dont la première comprend 90 chapitres, et la deuxième 11 chapitres. Il serait peut-être fastidieux, pour en donner une idée, de l’analyser chapitre par chapitre ; ce serait, au demeurant, fort long. Le mieux sera, sans doute, de dégager la trame historique, et de ranger la matière sous quelques rubriques principales.

I. C’est d’abord la période des Amira[1]. Dans la première moitié du xixe siècle, la classe des Amira, tous Arméniens, avait la haute main sur les affaires nationales, publiques, laïques et spirituelles, ayant trait aux Arméniens de Constantinople. Cette sorte de caste se composait de banquiers, de grands négociants, de hauts fonctionnaires arméniens au service de la Sublime Porte. Ces Amira décidaient, non seulement du sort du peuple arménien, mais de celui du patriarche lui-même : et le peuple, docile et passif, exécutait leurs volontés et s’inclinait devant leur autorité personnelle et leur puissance financière.

Durant toute la période de l’omnipotence des Amira — et ce, jusque vers 1866, — le plus influent d’entre eux centralisait en sa personne l’administration des affaires de la nation : les autres Amira n’étaient que des satellites gravitant autour de ce Chef de la Nation. Le patriarcat dépendait entièrement de cet Amira, dont les dispositions prises à l’endroit des affaires laïques avaient leur répercussion dans la gestion des affaires religieuses, bien que la direction en fût, nominalement, subordonnée à l’autorité patriarcale. Cependant, de temps à autre, cette règle, devenue générale, fléchissait lorsque des dissentiments ou des rivalités surgissaient parmi les gros bonnets nationaux, et l’on a enregistré les cas où les Amira banquiers, en désaccord avec les Amira architectes d’État ou les Amira directeurs de la Poudrerie impériale, rompirent, de propos délibéré, la bonne entente qui les unissait à l’ordinaire.

La rivalité des Amira contribua grandement à favoriser un mouvement d’émancipation naissant, dû à la classe des esnaf[2]. Des luttes s’ensuivirent, qui donnèrent naissance au Règlement de 1847, qui confiait l’administration des affaires nationales, laïques et spirituelles, à deux conseils : le Conseil religieux et le Conseil supérieur (séculier), lesquels étaient renouvelés tous les deux ans.

  1. Ce mot, d’origine arabe, signifie : celui qui ordonne, celui qui commande, chef, maître, seigneur, grand seigneur.
  2. Mot turc, d’origine arabe (pluriel de l’arabe senef) et signifiant : les classes et, par extension, les artisans, ceux qui s’occupent d’un métier manuel, tous ceux qui gagnant leur vie à la sueur de leur front.