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Page:Journal asiatique, série 11, tome 5.djvu/167

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COMPTES RENDUS.

Les Amira conservaient néanmoins leur situation prépondérante dans les premiers Conseils supérieurs ; ils ne perdirent du terrain que petit à petit, devant la poussée des petits commerçants et des artisans, si bien que, des vingt membres qui composaient le dernier Conseil supérieur, en 1858, six seulement étaient des Amira ; quatre banquiers, un, directeur de la poudrerie impériale, et un dernier, architecte d’État ; les quatorze membres restants étaient des élus du peuple, se répartissant ainsi : sept artisans, un médecin, deux orfèvres et quatre petits commerçants.

Ces deux conseils, Religieux et Supérieur, n’avaient pas de règlement intérieur, précisant leurs attributions respectives ; aussi se heurtaient-ils, de ce chef, à de grosses difficultés dans la gestion des affaires confiées à leurs soins. À cette époque, les affaires en question se rattachaient ou au patriarcat, ou à l’hôpital national, ou encore à la caisse des indigents et aux écoles. Et lorsque l’on voulut serrer les choses de près et appliquer le règlement nouvellement élaboré, on se heurta dès le début à une extrême divergence de points de vue, les uns étant pour l’ancien état de choses, les autres, la jeunesse imbue d’idées européennes nouvelles, étant pour ce que l’on convient d’appeler le progrès ; la scission ne tarda pas à se produire et le clan des khavarial (rétrogrades) se trouva en opposition flagrante avec celui des lousavorial (éclairés). Ces deux partis entrèrent ouvertement en lutte et, tels des frères ennemis, on vit, dans les familles, le frère lutter contre le frère, le fils contre son propre père. Les ménages les plus unis jusqu’alors, les familles homogènes auparavant, les églises elles-mêmes, devinrent le théâtre de querelles, de rixes, de discussions, d’insultes fort regrettables. Les Amira faisaient naturellement partie du premier groupement, tandis que le second comprenait avant tout la classe instruite de la nation, à laquelle s’étaient joints les artisans et les négociants. Ce fut ce dernier parti qui remporta la victoire.

II. Le premier Règlement national arménien. — L’honneur de mettre fin à la gestion arbitraire et ploutocratique des Amira et de la remplacer par une administration légale, démocratique et populaire des affaires nationales revient au parti des Eclairés ; le triomphe de ce clan servit de trait d’union aux partis adverses, et les groupements, naguère adversaires irréconciliables, se mirent d’accord pour élaborer un projet fondé sur le principe du suffrage populaire. En vertu de ce projet, la direction des affaires, tant spirituelles que temporelles, était confiée à un Corps représentatif, élu par le peuple.