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Page:Journal asiatique, série 11, tome 5.djvu/30

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JANVIER-FÉVRIER 1915.

ment à la formule du paon (hu hu… ; O. 223 supra), de là saute encore jusqu’à : « Et aussi les quatre Rois du ciel (devaraja) et les rois des esprits démoniaques… » etc., comme ci-dessus, et la formule Akaṭe vikaṭe… En fait, malgré le nom de Kumārajīva attaché à l’ouvrage, on n’y trouve rien d’original. Les trois traductions examinées jusqu’ici ne sont que des aspects divers d’un seul texte.

La première traduction intégrale de la Mahāmāyūrī date de 516 (c’est à M. Watanabe que revient le mérite d’avoir précisé la date). Elle est due à un moine originaire de l’Indochine, Saṅghavarman ou Saṅghabhara (en tout cas la forme Saṅghapala restaurée par M. Nanjio, App. II, 102, est erronée), qui vint du Fou-nan en Chine et y traduisit plusieurs textes entre 506 et 520. L’ouvrage est intitulé : (Fo chouo) kong ts’io wang tch’eou king « sūtra de la formule du roi paon » (Nanj., 308 ; éd. Tōk., XXVII, 7). La traduction, servilement littérale, n’était pas de nature à satisfaire les lettrés[1]. Deux siècles plus tard (en 705), le pèlerin Yi-tsing, amateur de beau style, donnait une nouvelle version : (Fo chouo) ta k’ong ts’io tch’eou wang king = sūtra du roi des enchantements [vidyārājñī] du grand paon [mahāmāyūrī] » (Nanj., 306 ; éd. Tōk., XXVI, 7).

  1. Saṅghavarman paraît être un sanscritiste et un indianiste médiocre. Il ne reconnaît pas Viṣṇu dans le Yakṣa de Dvārakā 13,1, et lit Vipnu qu’il transcrit p’i-fou-niou. D'ailleurs Yi-tsing, qui a limité ses études dans l’Inde au bouddhisme, ne reconnaît pas mieux le personnage ; il lit Vighnu (fei-k’ien-nou) qu’il prend pour un nominatif pracritique de Vighna. Amoghavajra restaure enfin la forme véritable (fei-che-nou). Au 23, 2, Saṅghavarman ne reconnaît pas le nom de Srughna et prend l’akṣara initial pour un a (a-k’i-nai). Au 34, 2, il ne reconnaît pas anūpa dans le composé anūpatira ; prend le signe pa pour un ha (confusion facile dans l’écriture du type gupta) et transcrit a-neou-ho. De même au 59, 1, il transforme l’adjectif vyatipāti en vyatihāni. L’erreur la plus extraordinaire se trouve au 73, 1, mo-tch’a-mo et Ki-ye-sao (= Madhyama-Kīyasau) : le nom de Madhyamakīya a été coupé en deux, et la seconde partie est combinée avec une désinence de nominatif duel qui est traitée comme une partie intégrante du nom.