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Page:Journal asiatique, série 6, tome 5-6.djvu/1138

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DÉCEMBRE 1865.

de peupler avec cette royale famille de prosélytes les vastes salles des « Tombeaux des rois. » Ce nom même se trouve n’être pas inexact. Jusqu’en plein moyen âge, on attacha à cet endroit le souvenir d’une reine (regina Jabenorum, Helena regina)[1] ; de là probablement le nom de Kobour el-Molouk. Plusieurs femmes de la famille d’Izate ont pu porter le titre de reine[2] et certes il n’est pas surprenant que le nom qui s’offre à nous aujourd’hui soit nouveau dans l’histoire. Dans cette famille si nombreuse, nous ne connaissons qu’un seul nom de femme, celui d’Hélène elle-même. Saddane ou Sadda a pu être femme d’Izate ou de Monobaze. L’inscription, dans cette hypothèse, aurait été tracée vers le milieu du premier siècle après Jésus-Christ.

En résumé, l’inscription rapportée par M. de Saulcy est l’épitaphe d’une reine ; c’est l’épitaphe d’une Syrienne ; c’est l’épitaphe d’une juive ; cette épitaphe a été tracée vers l’époque de notre ère. Conclure de là qu’elle est l’épitaphe d’une princesse de la famille royale d’Adiabène convertie au judaïsme est une conséquence presque inévitable, surtout si l’on se rappelle qu’avant la découverte de notre inscription on était incliné par les raisons les plus fortes à voir dans les « Tombeaux des rois » le tombeau de la famille dont nous venons de parler.

On ne peut donc placer trop haut l’importance de la découverte faite par notre confrère. Elle nous apprend des choses capitales : 1° elle résout à peu près le problème archéologique du curieux monument appelé les « Tombeaux des rois, » et elle donne ainsi une base chronologique solide à l’histoire de l’art juif ; 2° elle nous donne le plus ancien spécimen que l’on possède de l’estranghelo, et elle enrichit la paléographie araméenne d’un texte important ; 3° elle ajoute un numéro de plus à l’épigraphie hébraïque, malheureusement si limitée ; elle prouve en particulier que, dès le premier siècle de notre ère, les ligatures et la séparation des mots existaient dans l’alphabet carré comme dans l’alphabet es-

  1. Marinus Sanutus, Secreta fidel. Crucis, III, xiv, 9.
  2. La polygamie régnait dans cette famille. (Jos. Ant. XX, ii, 4.)