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Page:Journal asiatique, série 9, tome 1-2.djvu/178

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JANVIER-FÉVRIER 1893.

mais cette préfixe, qui tombe ou se transforme dans les verbes où elle se trouve, est ordinairement supprimée dans le mot dont il s’agit ; il ne se distingue pas, en réalité, par l’orthographe, de Bod, le nom du Tibet.

Ce verbe signifie « parler », non pas simplement « parler », mais « crier, appeler, faire une exclamation » ; il accompagne les phrases de discours direct commençant par un vocatif ou un impératif C’est de là, je pense, que vient le nom du pays.

Cette explication, qui me semble naturelle, peut se justifier par des exemples. Il y a, dans les langues roumaines, un mot slovo qui signifie « parole » et est devenu le nom de toute une race. Cette race traite de muette la race voisine occidentale. Car lorsqu’on interroge en slave un homme de cette race, il reste court et ne répond que par des sons inintelligibles : c’est un muet (nemetch, nemetchky). Mais le voisin muet ne veut pas convenir de son mutisme ; il a la prétention de parler, et même de parler plus intelligiblement que tous les autres ; il s’appelle deutsch, c’est-à-dire « qui se fait comprendre », et il a raison ; son langage n’est-il pas la clarté même… pour ceux qui le parlent ?

Puisque les races teutonique et slave se déclarent races « parlantes », je ne vois pas pourquoi la race tibétaine n’en ferait pas autant ; et je crois reconnaître son nom dans ce mot bod qui signifie que quand un homme de cette race appelle, on lui répond, quand il commande, on lui obéit ; Bodyul serait le « pays où l’on parle, le pays de ceux qui parlent ».

L. Feer.