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JOURNAL DE GOUVERNEUR MORRIS

le maréchal et le vicomte de Ségur ; nous prenons le thé. Quelqu’un vient dire à la duchesse que son mari est arrêté à Boulogne. Elle en est très peinée ; nous entreprenons de lui démontrer que c’est impossible, bien qu’il y ait toutes sortes de raisons de supposer, dans l’état de désordre actuel du royaume, qu’il ne pourra pas passer. Elle est très anxieuse de savoir la vérité, et je vais m’en informer chez M. de La Fayette. Il n’est pas chez lui, ou plutôt, à en juger par les apparences, il n’est pas visible. De là chez M. de Montmorin qui est sorti. Je retourne chez Mme de Chastellux. La pauvre duchesse est pénétrée de reconnaissance de ce que je me dérange ainsi pour elle. Il est bien dur pour un cœur si bon d’être condamné à tant souffrir. Je m’en vais ; elle me suit jusqu’à la porte pour m’exprimer de nouveau sa reconnaissance. Pauvre femme ! Je vais chez Mme de Staël ; la compagnie y est assez nombreuse, et la conversation, à laquelle je ne prends pas une part suffisante, très animée. Tandis que je suis aux côtés de Narbonne, elle me demande si je continue à penser qu’elle ait une préférence pour M. de Tonnerre. Je réponds en faisant simplement remarquer qu’ils ont chacun assez d’esprit pour deux et qu’à mon avis, ils feraient mieux de se séparer et de prendre chacun une compagne un peu bête. Je n’entre pas assez dans le ton de cette société. Après souper entrent quelques messieurs, qui annoncent une émeute au faubourg Saint-Antoine. Nous avons beaucoup de nouvelles ce soir, et un certain nombre d’insurrections en divers endroits. Mme de Staël affirme de bonne source que le duc est arrêté. De là je vais au club, où nous apprenons que l’émeute annoncée n’est qu’une fausse alarme. Mais mon domestique me dit qu’on s’attend à en avoir une demain, et qu’on a commandé une grande force militaire pour huit heures du matin. Les grenadiers des anciennes gardes françaises insistent pour garder la personne du roi. C’est naturel. Belle