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JOURNAL DE GOUVERNEUR MORRIS

Rochefoucauld ; d’après lui, celui-ci n’aurait pas les capacités nécessaires, mais son intégrité et sa réputation sont d’un grand prix. Je crois que c’est le seul homme pour qui il insistera, et je pense que nous pourrons exiger n’importe qui au prix de l’admission du duc. L’évêque dit qu’il ne peut pas penser à un nouveau ministère à moins d’un changement radical. La Fayette est de cet avis, et ajoute qu’en ce moment les amis de la liberté devraient s’unir et se comprendre mutuellement. En s’en allant, l’évêque me fait remarquer que La Fayette n’a aucun plan fixe, ce qui est vrai. Bien qu’ayant beaucoup de l’intrigant dans son caractère, il devra être employé par les autres, parce qu’il n’a pas assez de talents pour se servir d’eux. Je vais chez M. Necker après avoir pris congé de l’évêque. M. de Vauvilliers me reçoit au salon en me complimentant d’être celui qui doit nourrir la France. Après le dîner. M. Necker me prend à part. Il désire m’obliger à fixer des périodes pour l’arrivée de la farine et pour le payement. Je lui dis que je désire avoir une maison pour traiter avec moi. Il répond que je ne cours aucun risque, et qu’il fera signer notre arrangement par le roi. Ma voiture n’étant pas arrivée, Mme de Staël insiste pour me conduire où je veux aller. Plus tard, en allant au club, j’apprends que l’Assemblée a aujourd’hui suspendu les parlements. C’est le meilleur coup qu’elle ait encore porté à la tyrannie, mais il produira une grande fermentation chez de nombreuses et influentes personnes.


4 novembre. — Nous avons au club la diversité ordinaire d’opinions sur l’état des affaires publiques. Je vais de là chez Mme de Chastellux. La duchesse me reproche d’être parti de bonne heure hier soir et de venir tard aujourd’hui. Elle est là depuis près de deux heures, et l’on amène son fils, M. de Beaujolais, exprès pour me voir. Il se présente avec très bonne grâce, il est enjoué et