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JOURNAL DE GOUVERNEUR MORRIS

Affaires étrangères. Après le départ de plusieurs visiteurs, je vais voir le baron de Besenval au Châtelet. Le vieux gentilhomme est très touché de mon attention. Nous parlons un peu de politique, et il saisit l’occasion de me dire tout bas que nous aurons bientôt une contre-révolution ; je la regarde depuis longtemps comme inévitable, quoique n’étant pas assez au courant des faits pour savoir d’où elle surgira. Je vais au club. Il se confirme que l’opposition du parlement de Metz a été plus marquée que celle du parlement de Rouen, et que l’Assemblée fulminera ses décrets en conséquence. L’Église, la magistrature, la noblesse, ces trois corps intermédiaires qui, dans ce royaume, étaient également redoutables au roi et au peuple, se trouvent maintenant, du fait de l’Assemblée, en état de lutte ouverte ; en même temps celle-ci, par l’influence de craintes sans fondement, a lié les pieds et les mains de leur allié naturel, le roi. Il suffira de peu de temps pour que l’opposition se coalise ; étant coalisée, elle se placera naturellement sous les bannières de l’autorité royale, et alors adieu la démocratie ! Je vais du club chez M. de Montmorin. Rien à noter. M. d’Aguesseau et M. Bonnet dînent avec nous ; ce dernier veut des renseignements sur la situation de la France aux Indes. Je lui dis que le moyen d’entraver l’Angleterre aux Indes est de faire de l’Île-de-France un port d’armes, en même temps qu’un port franc, etc. M. de Montmorin nous dit qu’il a proposé ce même plan dès 1783. M. Bonnet me demande si les ports francs de France nous sont nécessaires. Je lui dis que je ne le crois pas ; à ce sujet il devra consulter M. Short, notre représentant. Il désire avoir une entrevue avec ce dernier, mais M. de Montmorin lui dit que M. Short ne peut pas avoir de renseignements précis. En effet, quand cette question fut soulevée pour la première fois, Jefferson m’a consulté, mais j’ai voulu observer le respect dû envers le représentant de l’Amérique. Je rends visite à Mme de