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JOURNAL DE GOUVERNEUR MORRIS

je suis déjà engagé, mais elle réplique que je viendrai après le dîner, puisque je désire voir M. Necker. Elie répète que je ferais mieux de venir dîner. J’irai si c’est possible. Je vais à l’Opéra. À un certain moment, le comte de Luxembourg vient dans la loge ; il a à me parler de politique. Je ramène Mme de Flahaut chez elle. Le comte de Luxembourg vient et lui parle en particulier ; le but de la conversation est d’offrir à l’évêque l’aide de la faction aristocratique. Je doute beaucoup qu’il soit autorisé à accepter cette offre. Je les laisse ensemble et vais chez Mme de Staël. On y fait de la musique. Elle chante et fait tout ce qu’il faut pour produire une impression sur le cœur du comte de Ségur. Son amant, de Narbonne, est revenu. Ségur m’assure de sa fidélité à sa femme. Je m’associe pleinement à l’éloge qu’il en fait, et lui dis qu’en vérité je l’aime autant pour ses enfants que pour elle-même, et qu’elle est certainement une femme très aimable. Après le dîner, de Narbonne nous dit qu’il est autorisé par la Franche-Comté à accuser publiquement le Comité des recherches. Ce comité ressemble beaucoup à ce qu’on appelait dans l’État de New-York le comité Tory, dont Duer était un membre en vue, c’est-à-dire un comité chargé de découvrir et de déjouer toutes les conspirations. Voilà comment, dans les circonstances semblables, les hommes adoptent toujours une ligne de conduite correspondante. Je me suis entretenu avant le souper avec le comte de Ségur qui désapprouve le discours de l’évêque ; il n’est du reste pas le seul. On blâme particulièrement ce que je lui avais conseillé de changer. Il y a chez lui quelque chose d’un auteur. Mais un tendre attachement à ses productions littéraires ne convient nullement à un ministre ; sacrifier de grands objets pour des petits, c’est le contraire d’une saine morale. Je quitte Mme de Staël de bonne heure. Je descends chez lui M. de Bonnet qui me dit que je dois remplacer M. Jefferson. Je réponds que si l’on m’offre la place,