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JOURNAL DE GOUVERNEUR MORRIS

70 millions de francs comme une dette sacrée, devant passer avant toutes autres ; à critiquer très légèrement le plan de M. Necker, s’il doit échouer, mais avec une grande sévérité dans le cas contraire ; à ne pas épargner les prédictions sur les déplorables effets du papier-monnaie, sur l’agiotage qui en résultera, et l’abaissement final du niveau moral, et, enfin, sur le danger que devra courir le public et l’avantage que tirerait plus tard un ministre jugeant à propos de spéculer sur le papier ou sur les fonds. Ces observations conviennent à son caractère d’ecclésiastique et d’homme d’État ; elles seront d’autant plus à-propos que ses ennemis l’accusent de sinistres desseins dans cet ordre d’idées. Il s’en va pour réfléchir, dit-il, s’il parlera ou non. Je lui rappelle qu’en entrant au ministère il aura besoin de la Caisse d’escompte, et lui dis en même temps d’éloigner de l’esprit de La Fayette l’idée qu’il est en rapports avec le duc d’Orléans.


4 décembre. — Je vais chez M. de Montmorin et j’y rencontre, comme c’était convenu, le comte de Moustier et Mme de Bréhan. Je lui montre la proposition que j’ai préparée pour M. Necker. Il ne paraît pas l’approuver complètement. Je crois plutôt qu’il ménage son approbation, parce qu’il croit qu’elle a toutes les chances de réussir, mais je puis me tromper. À mon départ, le comte de Montmorin me demande pourquoi je me retire si tôt. Je lui dis que je vais chez M. Necker, etc. ; que, s’il le veut bien, je lui communiquerai ma proposition, non comme ministre, mais comme ami. Il me demande de la voir, l’examine avec attention, désire des explications, et finalement l’approuve et offre d’en parler à M. Necker. Je le prie de n’en rien faire, de peur que M. Necker ne croie que je lui ai manqué d’égards. Je vais chez M. Necker, il est parti au conseil. Je m’entretiens avec Mme Necker de façon à lui plaire, et elle m’invite à dîner demain. Je dis que