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JOURNAL DE GOUVERNEUR MORRIS

truite, très grosse, pesant au moins vingt livres et très fraîche, car elle est venue par courrier. Le maître d’hôtel dit qu’elle devra attendre jusqu’à mercredi pour être mortifiée, et comme ce jour-là ne convient pas à la société, cette pauvre Madame la Truite devra se mortifier deux jours de plus. Je ne puis que compatir à son affliction.


25 janvier. — Le vicomte de Saint-Priest qui dîne au Palais-Royal aujourd’hui et est assis à mes côtés soulève l’idée que le roi se rende à l’Assemblée pour se mettre à la tête de la Révolution. Je blâme cette manière de faire et lui dis, sans chercher de détours, que ceux qui le conseillent ainsi lui donnent un conseil ou inepte ou perfide. Mme de Ségur ne partage pas mon avis et, après le dîner, son mari, à qui elle en a parlé, me dit aussi qu’il est de l’opinion contraire et qu’il désire la discuter avec moi. Je me contente d’ajouter que le roi devrait envoyer ses enfants au comte d’Artois, pour que toute la famille royale ne soit pas au pouvoir de ses ennemis, et laisser la nation agir à sa guise. Par le cours naturel des choses, elle reviendra à son ancienne fidélité. L’occasion n’est pas favorable à une pareille discussion. Je rentre chez moi pour écrire. À neuf heures, je vais au Louvre. L’évêque d’Autun est présent. On parle des monnaies ; il n’a pas complètement raison, mais je vois qu’il a étudié la question. Je lui rappelle qu’il devait me prêter un livre. J’envoie chez lui mon domestique qui me le rapporte. Il est quelque peu drôle de recevoir le Portier des chartreux des mains d’un Révérend Père en Dieu.


26 janvier. — Aujourd’hui, à trois heures et demie, je vais chez M. de La Fayette. Il m’exprime son désir de s’entendre avec M. Short, M. Paine et moi, pour examiner la situation judiciaire de la France, parce que sa place lui impose la nécessité d’être juste. Je lui dis que Paine ne