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JOURNAL DE GOUVERNEUR MORRIS

peut lui rendre aucun service ; car, bien que possédant une plume excellente comme écrivain, il n’a pas une très bonne tête comme penseur. Tout en parlant de ce sujet, il m’apprend qu’il s’est procuré un mémoire écrit par les réfugiés de Turin pour exciter les princes d’Allemagne contre la France, etc. M. de Montmorin doit le lire demain au conseil. La Fayette dit qu’il sera publié. Je lui demande de suspendre cette publication, et donne des raisons qui convainquent son jugement, sans toucher à sa volonté. Il doit me le montrer demain et je pense que le public sera bientôt dans le secret. À neuf heures et demie, je vais au Louvre. Mme de Flahaut a une autre dame avec elle et elle joue. Elle s’en excuse en anglais, que l’autre dame comprend. Ceci est assez drôle. Je leur fais du thé et, à onze heures et demie, nous restons en tête-à-tête. Je lui communique une note, écrite ce matin, sur l’état des affaires et la conduite que devrait adopter le roi. Elle fera passer cette note à la reine par Vicq d’Azir, médecin de la reine. Je lui dis de ne pas délaisser la reine, et de lui donner de bons conseils, exactement le contraire de ceux que le roi reçoit du parti au pouvoir ; si ce parti réussit, elle verra sa situation assurée par ses amis ; dans le cas contraire, la reine lui aura des obligations dont elle la récompensera, puisqu’elle le pourra. Mon amie éprouve quelque répugnance pour cette conduite, la seule qu’elle puisse tenir. Elle me raconte une affaire dans laquelle le marquis de Montesquiou se conduit de façon peu délicate, et où elle voit la possibilité de se procurer de l’argent. Elle doit m’en donner les détails à examiner. Je la laisse à minuit et demi et rentre chez moi.


29 janvier. — Vendredi, je vais chez M. de Montmorin pour manger la truite qui était si « mortifiée », qu’elle refusa d’assister au repas. En bon français, elle est pourrie depuis plusieurs jours. Avant le dîner, on soulève la ques-