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JOURNAL DE GOUVERNEUR MORRIS

tuer un peu le temps. La journée a été splendide. Je pense que jamais dans ma vie je n’ai eu l’esprit agité par autant d’objets différents qu’en ce moment, et je ne puis commencer aucune affaire sans qu’une autre ne se mette constamment en travers. Mme de Bréhan dit que si les troubles continuent, elle ira vivre avec moi en Amérique. Naturellement je souscris à cet arrangement.


12 novembre. — Je vais à l’Opéra après le dîner. Je suis derrière mon amie volage, Mme de Flahaut, et comme, heureusement, la musique me rend toujours grave, je reste dans le mode sentimental. La comtesse de Frise est ici ; je lui présente mes respects dans la stalle voisine. J’ai le bonheur de rencontrer Mme Foucauld Lardimalie après l’opéra, et celui d’être accueilli de la façon la plus aimable. Pour plusieurs raisons je veille à ce que mes traits ne trahissent pas ma satisfaction. Heureusement, elle parle de moi à Mme de Flahaut dans des termes très favorables.


13 novembre. — La populace pille l’hôtel du duc de Castries, parce que le duc a blessé le démagogue Charles de Lameth dans un duel qu’il s’était attiré en insultant le duc. L’histoire parait curieuse. M. de Chauvigny vient à Paris dans l’intention de se battre avec Charles de Lameth, qui, dit-il, a fomenté une insurrection dans le régiment auquel il appartient. J’ai appris ceci chez M. Boulin, où M. de Chauvigny, présenté par son frère, un évêque, a raconté ce qui s’était passé. Il s’était rendu chez M. de Lameth, dont les amis lui avaient dit, au cours d’un rendez-vous avec eux, que M. de Lameth ne se battrait pas avant que la Constitution fût terminée. L’autre répliqua que, dans ce cas, jusqu’à l’achèvement de la dite Constitution, il se voyait dans la nécessité de proclamer partout que M. de Lameth était un lâche. L’affaire étant venue devant l’Assemblée, de Lameth déclara qu’il n’entrepren-