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JOURNAL DE GOUVERNEUR MORRIS

mais que l’on n’avait prêté aucune attention à ses informations, et qu’on le représentait, au contraire, comme un brandon, désirant une conflagration générale ; il avait depuis longtemps proposé la triple alliance de l’Autriche avec la Russie et la France, qui fut alors repoussée et ne s’est jamais effectuée, parce que, finalement, la Révolution française empêcha une ratification de la part de la France. Feu l’empereur Joseph lui aurait dit, peu de temps avant de mourir, que l’impératrice de Russie lui avait permis de faire une paix séparée, et l’aurait prié d’assurer le roi de France que pour y parvenir, il consentirait à abandonner même Belgrade. Nous passons ensuite à la paix de Reichenbach, et je lui raconte comment Van Hertzberg fut pris dans ses propres filets.

Nous apprenons aujourd’hui des nouvelles qui, si elles sont vraies, auront une certaine influence sur les affaires de ce pays. On dit que la milice catholique de Strasbourg a démissionné en masse, et qu’il est arrivé une pétition portant quatre mille signatures et à laquelle un bien plus grand nombre de personnes ont donné leur adhésion, pour demander l’abrogation de toutes les mesures prises à l’égard du clergé et de la noblesse ; on aurait nommé trois commissaires conciliateurs pour se rendre sur les lieux. Je rends visite à Mme de Chastellux ; elle me dit tenir d’une personne qui revient de la Flandre française qu’il y règne une crainte générale d’une visite des troupes impériales. Je ne crois pas à cette visite.

Je la quitte et vais au Louvre. Je trouve Mme de Flahaut en conversation avec un député colonial, désireux de faire nommer quelqu’un au ministère des colonies ; il demande aussi qu’à la délimitation des frontières avec l’Espagne, une bande de terrain soit cédée à Saint-Domingue ; en échange on donnerait une plantation dont elle aura la moitié. Je soupe ici. Elle est très triste, et j’essaye inutilement de chasser cette tristesse. Mais son avenir est bien sombre.