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JOURNAL DE GOUVERNEUR MORRIS

sévères au ministre russe qui rejeta la faute sur le prince Potemkin. Il fut décidé d’accepter des conditions raisonnables, et, quoique celles proposées par M. de Gouffier de la part des Turcs fussent assez insolentes, à sa grande surprise, elles furent agréées. Sur ces entrefaites, le courrier, porteur de cette nouvelle, fut arrêté par des brigands turcs et mis à mort ; apprenant cet accident, il en dépêcha aussitôt un autre, mais avant l’arrivée de ce messager, les Anglais s’étaient activement occupés à dissuader les Turcs de tout accommodement. Leur ambassadeur dit au Reis Effendi qu’il aurait l’aide puissante de la Prusse et de la Pologne ; que si l’Autriche se joignait à la Russie, une forte diversion serait faite par la révolte en Flandre, qui se préparait ; qu’il ne fallait pas se fier à la France, dont le système favori était d’aider la Russie, avec laquelle elle s’était dernièrement liée intimement, et qui naturellement ne pouvait pas être cordialement attachée à la Porte. D’après Ségur, le motif de l’Angleterre pour agir ainsi était son irritation du traité conclu par la Russie avec la France, par lequel, entre autres choses, les principes de la neutralité armée sont reconnus, et aussi l’insistance de la Russie à obtenir une semblable reconnaissance de l’Angleterre, dans le traité dont l’on projetait le renouvellement. L’Angleterre espérait ainsi amener une rupture entre la France et son ancienne alliée la Russie, ou sa nouvelle alliée, la Turquie. Par suite des intrigues britanniques, la Porte refusa de souscrire aux conditions qu’elle avait elle-même proposées, mais en envoya d’autres d’un style impérieux et dictatorial ; il en avait été offensé, mais, à sa grande surprise, l’impératrice les accepta encore ; puis, lorsque ses dépêches furent écrites en langage chiffré, juste au moment où son courrier allait partir, l’on apprit que les Turcs avaient commencé les hostilités effectives. Il ajoute qu’il avait depuis longtemps informé son gouvernement que Van Hertzberg avait formé de vastes projets menaçant toute l’Europe,