Page:Journal de Gouverneur Morris.djvu/223

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
205
JOURNAL DE GOUVERNEUR MORRIS

dîner. L’abbé Sieyès est là ; il discourt avec beaucoup de suffisance sur le gouvernement, faisant fi de tout ce qui a été dit ou chanté à ce sujet avant lui. Mme de Staël dit que ses écrits et ses opinions ouvriront une ère nouvelle en politique, comme ceux de Newton en physique. Je vais de là chez Mme du Bourg. Elle me conseille de m’adonner plutôt aux plaisirs de la société qu’à aucun attachement sérieux. Il vient du monde, ce qui clôt cette conversation.


26 janvier. — Ce matin, je suis presque empêché de faire quoi que ce soit. D’abord, comme c’était convenu, M. de Flahaut me présente son ami, qui est à la tête de l’usine d’Amboise. Il désire écouler de la quincaillerie aux États-Unis. Ensuite le colonel Walker vient m’exposer l’état compliqué des affaires de la Compagnie de civilisation de Scioto. Il me demande un avis, mais je ne puis en donner, n’étant pas assez au courant des faits ; lui-même ignore quelques-uns des plus importants. Avant qu’il ne parte, arrive le colonel Swan, qui me dit que son plan pour la dette a échoué par la faute de Canteleu. Il me demande d’aller voir Montesquiou. Je lui dis que si Montesquiou désire me parler, il peut venir chez moi. Je dîne avec La Fayette qui est assez content de me voir. Ternant est là ; il pense qu’une décision sera prise dans quelques semaines ; je ne le pense pas. Après le diner, j’ai avec lui une conversation intéressante. Il me dit qu’il avait arrangé un plan pour rétablir l’ordre par l’emploi de la force ; de Bouillé et La Fayette devaient y coopérer, mais pendant son séjour en Allemagne, ce dernier se déroba. Il s’occupe encore en ce moment de ce même objet. Je vois qu’il désirerait faire partie du ministère d’ici et qu’il jouerait sa tête pour le pouvoir. Il faut quelqu’un de cette trempe, d’un rang assez élevé pour ne pas courir de risques inutiles, et d’un caractère à ne pas fuir ceux qui seraient nécessaires ou utiles. Comme l’évêque se trouvait au Louvre aujourd’hui, je lui