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JOURNAL DE GOUVERNEUR MORRIS

Louis XIV. Nous ne voyons ni le roi ni la reine, mais comme nous ne sommes pas venus pour eux, cela ne fait rien. De même que tous les parasites de la cour, ce n’est pas eux que nous voulons, mais ce qui est à eux, — avec cette différence pourtant que nous voulons satisfaire notre curiosité, et non notre cupidité. Le roi est bien logé, — je ne puis voir les appartements de la reine, parce que Sa Majesté s’y trouve, mais il y a dix à parier contre un que je la trouverais plus belle que n’importe lequel de ses meubles. Je me contente de regarder son portrait par Mme Lebrun ; il est très beau, et ne le cède sans doute en rien à l’original.


22 mars. — Passé la soirée chez Mme de Duras-Durfort. Pour la première fois, j’ai le sentiment de la musique que l’on peut tirer de la harpe. Dans le boudoir à côté du salon, j’ai le plaisir de rester une heure, seul, dans une demi-lumière ressemblant exactement au crépuscule ; j’écoute les plus doux sons au milieu de la tranquillité la plus parfaite. Ensuite la scène change : un évêque du Languedoc prépare le thé ; les dames font cercle et chacune prend sa tasse. Ceci semblerait étrange en Amérique, tout autant que ce chevalier de Saint-Louis, qui ce matin m’a demandé l’aumône, après s’être présenté lui-même.


25 mars. — Visite chez Mme de Chastellux. Mme de Ségur et M. de Puisignieux y arrivent bientôt ; peu après, la duchesse d’Orléans, et d’autres personnes encore. La duchesse est aimable et assez belle pour punir le duc de ses écarts de conduite. Le nombre des invités semblant vouloir augmenter, Mme de Ségur se retire de bonne heure. La veuve du feu duc d’Orléans arrive aussi, et à son départ, elle embrasse la duchesse, selon l’usage. Je fais la remarque que les Parisiennes sont très portées à manifester publiquement leur tendresse mutuelle. Cela provoque, de la part de Son