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JOURNAL DE GOUVERNEUR MORRIS

gnieux. J’apprends que La Fayette ne sera probablement pas élu en Auvergne, — et je découvre que certaines personnes en sont ravies. Comme il fallait naturellement s’y attendre, sa conduite est blâmée par tous ceux qui touchent à l’ordre de la noblesse. Je le crois engagé trop à fond, car, si je ne m’abuse, il est beaucoup plus aristocrate que ses adversaires. De fait, la constitution du pays devant inévitablement subir des changements qui diminueront le pouvoir du monarque, il est clair que, si la noblesse n’obtient pas une sanction constitutionnelle pour quelques-uns de ses privilèges, il sera loisible au ministère de la confondre plus tard avec le peuple (selon l’étrange doctrine du duc d’Orléans) ; il en résultera soit la tyrannie de la noblesse, soit l’anarchie à laquelle il faut s’attendre, si l’on donne au royaume de France la mauvaise constitution de la Pensylvanie.


17 mars. — Ce soir, après le souper, dans le salon du baron de Besenval, M. le comte de Puisignieux, qui a des terres à Saint-Domingue, me demande de parler du commerce des îles à M. de Malesherbes. Ceci à propos d’une lettre écrite il y a quelques années sur ce même sujet à M. de Chastellux. Je lui réponds que je ne me sens pas à même d’entretenir les ministres d’affaires publiques, mais si M. de Malesherbes veut bien me demander mon avis, mon devoir sera de le donner, après les politesses dont j’ai été l’objet de sa part. En effet, je préférerais laisser à notre ministre plénipotentiaire le soin de nos affaires, et donner simplement mon avis.


21 mars. — Le colonel de Laumoy déjeune avec moi aujourd’hui et nous allons ensemble à Versailles. Nous nous invitons à dîner chez le comte d’Angivillers, puis nous allons voir les appartements du château de Versailles. C’est un immense monument de la vanité et de la folie de