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JOURNAL DE GOUVERNEUR MORRIS.

Je vais ensuite dîner chez M. de Montmorin. Après le dîner, je m’entretiens longuement avec lui, et touche un peu à la politique. Il promet de parler de notre affaire au roi dans le courant de la semaine. Il en a parlé au comte de La Mark qui l’approuve. Entre autres choses, je propose le vote par l’Assemblée d’une loi d’amnistie, suivie d’une déclaration sur la révolution. Il partage mes vues et déclare qu’en ce moment même, il prépare une lettre du roi au prince de Condé. Je rentre chez moi pour rencontrer M. Brémond, et le pousser à travailler les Jacobins pour leur faire proposer le décret ou la loi d’oubli.

En parlant affaires aujourd’hui avec Mme de Flahaut, j’apprends par ce qu’elle dit, et encore plus par ce qu’elle ne dit pas, qu’il existe un plan pour faire passer tout le pouvoir des mains du roi dans celles des chefs actuels de l’opposition. Pendant que je suis au Louvre, Montesquiou arrive, et je lui rappelle ce que je lui ai dit de la Constitution. Il commence à craindre que je n’aie raison. Il demande comment il faut remédier au mal. Je réponds qu’il paraît y avoir peu de chance d’éviter l’excès du despotisme ou de l’anarchie ; le seul espoir doit être la moralité du peuple, mais j’ai peur qu’il ne soit trop corrompu. Pour lui, il est sûr qu’il l’est en effet. Mme de Flahaut m’a dit ce matin que M. de Curt doit être ministre de la marine, si le décret des quatre ans est abrogé. M. Montciel vient me voir, et me raconte ce qu’il a fait avec les chefs des Jacobins. Il doit avoir avec eux une nouvelle conférence. Il pense que le mieux sera d’agir d’accord avec la cour sans en avoir l’air, pour ne pas compromettre leur popularité. J’approuve cette manière d’agir, et, entrant dans ce que je crois être leurs vues, je propose l’abrogation du décret des quatre ans et de celui contre la réélection. Il doit la leur proposer, et obtenir, si c’est possible, une liste de ce qu’ils demandent ainsi que des places auxquelles ils aspirent.