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JOURNAL DE GOUVERNEUR MORRIS.

continue en me disant que le roi, depuis la nomination et l’acceptation de Moustier, désire le voir partir, car il craint sa réputation d’aristocrate, et surtout la conduite inconséquente de Mme de Bréhant ; Moustier l’avait pourtant informé de ces deux faits à l’avance. Il ajoute qu’à l’heure où nous parlons Monsieur est en conversation avec le roi et la reine, et il se sent blessé de ne pas être du parti. Il dit qu’il a proposé deux choses : l’une de former un conseil de personnes dévouées aux intérêts du roi, qui suivraient strictement la Constitution, mais dans le but de la détruire ; et l’autre, de laisser le ministère tel qu’il est, mais en changeant seulement son emploi à lui, et d’avoir un conseil privé, comprenant, outre lui-même, MM. de Moustier, Malouet et l’abbé de Montesquiou, ou bien, s’il refuse par respect pour Monsieur son patron, l’archevêque d’Aix ; il ajoute que l’on ne fera rien, qu’il découvre que ses propositions sont écartées et qu’il ne sait sur quoi compter ; il suppose que cela vient du comte de Mercy-Argenteau, qui donne à la reine des conseils bien calculés pour servir les intérêts de l’Autriche. Je lui dis que peut-être quelques personnes l’ont desservi à la Cour. Il dit que non, qu’on le reçoit bien, parfaitement bien, mais il déclare qu’il s’en ira, quoi qu’il arrive. Je vois pourtant qu’il ne s’en ira pas tout à fait, s’il peut l’éviter. Il me dit qu’il n’a pas assez de force de caractère pour poursuivre les mesures qu’il sait être bonnes. Je le sais bien. Il me raconte ce qui s’est passé pour la Cour plénière, au sujet de laquelle, après s’être d’abord opposé à ce plan comme dangereux et avoir ensuite réclamé des mesures vigoureuses pour l’exécuter, car le moindre symptôme de retraite deviendrait fatal, il vit que l’on adoptait un plan différent ; puis, quand le roi allait prendre M. Necker, il exposa à Sa Majesté qu’elle allait se donner un maître à qui il faudrait obéir ; que par suite de cette nomination le roi suivit une ligne de conduite différente de celle qu’il avait suivie jusque-là, et adopta les manières