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ANNÉE 1792

3 janvier. — Les invités de Mme Le Couteulx me reçoivent aujourd’hui d’un air aussi étrange que peu agréable. Je m’attarde chez l’ambassadeur d’Angleterre et j’ai une petite dispute avec Mme de Staël, qui s’en offense. Brémond me dit que le roi est très content de recevoir des informations directes de M. de Monciel. J’informe ce dernier que le roi accepte sa proposition. Il doit me montrer un mémoire sur la Suisse avant de le présenter. Je dis à Mme de Flahaut que j’irai en Amérique au printemps. Cette nouvelle l’alarme et elle s’écrie : « Alors je perdrai tous mes amis en même temps. » En effet, son évêque la quitte dans quelques jours, mais elle ne peut pas me dire encore où il va. Je dîne avec elle. L’évêque d’Autun arrive et prend un dîner froid. Nous jouons et les dames s’endorment. L’évêque fait remarquer que les assignats ont réduit la France à une condition déplorable, ce qui est assez vrai. J’ai assisté dans ma vie à un système de papier-monnaie et à une révolution, et je me retrouve ici au milieu d’une autre révolution et d’un autre système de papier-monnaie. J’ai eu l’occasion d’étudier cette question depuis près de vingt ans (car elle a attiré mon attention en 1772), par conséquent, même avec une dose modérée d’intelligence, je dois aujourd’hui avoir fait quelques progrès. Ma situation et mes relations dans cette ville me donnent une vue assez exacte de ce qui se passe, et en combinant ce que je vois avec ce que j’ai vu, je ne doute nullement que la valeur du papier-monnaie continuera