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JOURNAL DE GOUVERNEUR MORRIS.

nous rendons ensemble chez le ministre des Affaires étrangères, relativement à ma présentation. L’entrevue est très courte. Je lui dis que j’ai une petite faveur à demander au roi, celle de me recevoir sans épée, à cause de ma jambe de bois. Il répond qu’il n’y aura aucune difficulté pour cela, et il ajoute que je connais déjà le roi. Je réplique que je n’ai jamais vu Sa Majesté qu’en public, et que je n’ai jamais échangé un mot avec lui, bien que quelques journaux aient fait de moi l’un de ses ministres ; je suis persuadé qu’il ne me reconnaîtrait pas, s’il me voyait. À cela il répond que, puisque j’en parle, il avoue que telle est l’opinion générale. Je lui dis que je suis naturellement franc et ouvert ; je n’hésite donc pas à dire que, du temps de l’Assemblée Constituante, j’ai essayé, comme simple particulier et par affection pour ce pays-ci, d’amener dans la Constitution certains changements qui me paraissaient essentiels à son existence ; je n’y réussis pas, et maintenant que je suis un homme public, je considère comme mon devoir de ne pas intervenir dans ces affaires. Je lui demande quand il voudra bien me présenter ; il répond qu’il me le fera savoir et qu’il pense que le plus tôt sera le mieux.


17 mai. — Visite à M. de Moustier. Sa sœur, Mme de Bréhant, me dit qu’en lui retirant ses appointements, on l’a réduit à 2,000 francs par an, ce qui l’a obligé à se défaire de son train de maison. On assure que les troupes prussiennes avancent très lentement, et qu’elles ne seront pas à Coblentz avant le 1er juillet. M. de Moustier s’attend à une coopération certaine de la Prusse et compte 160,000 hommes pour les armées réunies. Il ajoute que le prince de Condé a un corps de 7,000 cavaliers qui sont excellents. Ce soir, j’ai une longue conversation avec M. de Sainte-Croix ; il ne croit pas à un coup de main sur Paris de la part des puissances étrangères, qui limiteront leurs efforts à l’Alsace et à la Lorraine. Il calcule que les troupes