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JOURNAL DE GOUVERNEUR MORRIS

cesse, elle me répète un message que celle-ci m’avait déjà fait. Je fais remarquer alors qu’il me déplairait autant de ne pas me montrer respectueux que d’être indiscret ; je désire donc savoir ce que je devrais faire, si je rencontrais Son Altesse partout ailleurs qu’ici, et j’ajoute qu’à mon avis je ferais mieux de ne pas sembler la connaître. Elle répond que je puis être sûr d’être reconnu par la princesse. J’ajoute encore que, bien qu’étant personnellement indifférent aux avantages de la naissance, et ne respectant en Son Altesse royale que les vertus qu’elle possède, je me sens pourtant contraint de me plier extérieurement aux sentiments et aux préjugés des personnes parmi lesquelles je me trouve. Entre neuf et dix heures, il devient évident que la duchesse ne viendra pas aujourd’hui, et je prends congé, en envoyant cette réponse au message que j’avais reçu : « J’ai été voir Madame la duchesse chez Mme de Chastellux, et je suis désolé de ne l’y avoir point rencontrée. »


20 avril. — Ce soir, tandis que je prenais le thé dans le salon de Mme de Flahaut, le marquis de Boursac arrive tout droit des sections de vote. Il s’est activement employé toute la journée à contrecarrer les projets des ministres en ce qui touche aux élections de la noblesse, et il pense avoir réussi. Une réunion se tiendra demain matin chez le prévôt de Paris, pour fixer définitivement la ligne de conduite à suivre. Mme de Flahaut va faire sa visite de condoléances à Mme de Guibert, dont le mari, du parti Necker, s’est vu privé de son emploi au ministère de la guerre, ce dont, entre parenthèses, elle est enchantée ; mais Mme de Guibert le sera beaucoup moins, bien qu’elle n’appartienne pas au même parti que son mari. Je promets à Mme de Flahaut de revenir et je me rends chez M. Millet. Je reste quelque temps avec lui et sa maîtresse, puis je vais chez Mme de Corny. Elle est très heureuse de l’opposition qui paraît vouloir se manifester parmi les nobles. Elle me