Page:Journal de Gouverneur Morris.djvu/369

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
351
APPENDICE.

5 pour 100, doivent être au-dessous du pair ; on ne pourra donc en tirer de l’argent qu’avec un escompte considérable ; 3o les terres dont on dispose devront se vendre bien au-dessous de leur valeur, car il n’y a pas dans le pays d’argent pour les acheter ; la preuve en est que l’on n’a jamais pu emprunter à un taux légal, mais toujours avec une prime suffisante pour attirer l’argent du commerce et des manufactures ; la Révolution ayant considérablement diminué la somme d’argent disponible, le résultat de cette disette sera encore plus grand. Mais de plus, il y a dans ce plan un solécisme qui échappe à presque tous, et qui est cependant très palpable. Vous savez qu’en Europe la valeur des terres est estimée d’après le revenu. Disposer de terres publiques, c’est donc vendre les revenus de l’État ; en adoptant l’intérêt légal de 5 pour 100, une terre qui rapporte 100 francs devrait donc se vendre 2000 ; mais l’on s’attend à ce que ces terres se vendent 3,000 francs et que, de cette façon, non seulement le crédit public sera rétabli, mais que l’on effectuera même de grandes économies, les 3,000 francs pouvant racheter un intérêt de 150 francs. C’est pourtant un fait indéniable, que lorsque le crédit public est solide, les rentes sur l’État valent plus que des terres à revenu égal, et cela pour trois raisons : d’abord, absence complète de souci pour la gestion ; deuxièmement, rien à craindre des mauvaises récoltes ou des impôts ; troisièmement, on peut en disposer à la minute, si le possesseur a besoin d’argent et les racheter aussi facilement dès que cela lui convient. Donc si le crédit public se rétablit, et qu’il y ait un excédent de dix ou douze millions à placer, quand même de si grandes ventes (contrairement à l’usage) ne feraient pas fléchir les prix, les terres devraient encore se vendre meilleur marché que la rente. L’intérêt acheté sera donc moindre que ce revenu vendu.

Vous ayant ainsi fait connaître à très grands traits les hommes et les choses de ce pays, je vois et je sens qu’il est temps de conclure. Je souhaiterais sincèrement pouvoir dire qu’il y a des hommes capables pour prendre le gouvernail, si le pilote actuel abandonnait le navire. Mais je redoute beaucoup ceux qui devront le remplacer. Le lot actuel sera hors