Page:Journal de Gouverneur Morris.djvu/370

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
352
APPENDICE.

d’usage avant la fin de l’année, et la plupart voudraient bien, à cette heure, avoir tiré leur épingle du jeu, mais il est également dangereux de rester ou de partir, et il faut patiemment attendre le souffle de l’Assemblée et suivre sa direction. Le nouveau régime ne pourra pas durer. J’espère qu’on l’améliorera, mais je crains qu’on ne le change. Toute l’Europe ressemble actuellement à une mine sur le point de sauter, et, si cet hiver n’apporte pas la paix, l’été prochain verra une grande extension de la guerre.

Lettre à Washington.

Février. — L’imposition de lourds droits d’entrée sur l’huile, et les grands avantages faits au tabac importé par navires français, joints à la déclaration que seront seuls réputés français les navires construits en France, tout cela va causer beaucoup de mauvaise humeur en Amérique. Ceux qui donnent le ton ici semblent penser que, parce que l’ancien gouvernement avait quelquefois tort, on doit avoir raison de faire toujours le contraire. Ils ressemblent à Jack, dans le « Conte du Tonneau », qui mettait en pièces son habit en arrachant les franges et les garnitures que Pierre y avaient mises, ou à l’ancien Congrès dans ses premiers jours, alors qu’il rejetait l’offre de traités avantageux et employait une armée de commissaires et de quartiers-maîtres, parce que la Grande-Bretagne avait recours à des fournisseurs. En réalité, dans l’effervescence actuelle, très peu d’actes de l’Assemblée peuvent être considérés comme reflétant la volonté nationale. Il continue à y avoir trois partis. Les enragés, connu depuis longtemps sous le nom de Jacobins, ont beaucoup baissé dans l’opinion publique ; aussi sont-ils moins puissants qu’autrefois dans l’Assemblée ; mais leurs comités de correspondance (appelés sociétés patriotiques,) couvrant tout le royaume, leur ont donné une influence profonde et forte sur la populace. D’autre part, les nombreuses réformes, quelques-unes inutiles, et toutes sévères, précipitées ou extrêmes, ont rejeté dans la parti aristocratique un grand nombre de mécontents.