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APPENDICE.

mécontentement est général, mais il n’éclate pas, d’abord par antipathie pour les aristocrates et la crainte qu’inspire encore la tyrannie, puis parce qu’aucune bonne occasion ne se présente. Chacun est stupéfait quand il y pense, et, comme une flotte ancrée dans un brouillard, personne ne veut partir de peur de s’échouer. Si l’on en vient aux coups sur les frontières, je pense que le tableau sera curieux. Le premier succès d’un côté ou de l’autre fixera l’opinion d’un grand nombre qui n’ont, de fait, aucune opinion, mais sont seulement décidés virtuellement à adhérer au parti le plus fort ; et vous pouvez être sûr que si l’ennemi a un certain succès, une personne visitant ce pays dans deux ans se demandera avec étonnement comment une nation qui, en 1788, était dévouée à ses rois, a pu, en 1790, rejeter leur autorité à l’unanimité, pour s’y soumettre, en 1792, avec une pareille unanimité. Les raisons que je vous ai données dans ma lettre du 29 avril 1789, et les craintes que j’y exprimais, semblent à la veille de se réaliser. Le roi a de bonnes intentions et réussira peut-être par sa modération à sauver finalement son pays. J’espère beaucoup de cette circonstance, mais, hélas ! il semble qu’il y ait peu à attendre de la modération de quelqu’un qui a été aussi blessé et insulté ; je crois pourtant bien que c’est le meilleur, j’allais presque dire, l’unique espoir.

Un courrier est arrivé cette nuit avec des dépêches qui seront communiquées à l’Assemblée ce matin. L’Empereur informe le roi qu’il a donné ordre au général Bender (commandant dans les Pays-Bas) de protéger l’électorat de Trêves avec toutes ses forces. Je n’ai pas dit, comme j’aurais dû le faire, que les cours de Berlin et de Vienne ont conclu un traité par la protection de l’empire allemand et le maintien de ses droits. Vous aurez vu que l’empereur, après avoir adopté les déterminations de la Diète au sujet des réclamations des princes ayant certains droits féodaux qui leur sont assurés par le traité de Westphalie, en Alsace et en Lorraine, a rappelé au roi que la souveraineté de la France sur ces provinces est reconnue par ce même traité. Le gouvernement hollandais a proposé à l’Empereur, comme souverain des Pays-Bas, un traité d’aide et protection mutuelle en cas d’insurrections.