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APPENDICE.

résolu d’attaquer les peuples voisins à moins que ceux-ci ne dispersent les assemblées d’émigrants français qui se sont réfugiés sur leurs territoires. Ces peuples voisins font partie de l’empire d’Allemagne, et la France menace d’importer dans ce pays, non pas le fer et la flamme, mais la liberté. Or, comme ce mot, tel que l’entendent les cours allemandes, signifie plutôt insurrection que liberté, vous voyez qu’un prétexte est donné aux hostilités, sans violer le droit international. Ajoutez-y que trois armées françaises de 50,000 hommes chacune ont l’ordre de se rassembler sur les frontières — l’une en Flandre, sous les ordres de votre vieille connaissance Rochambeau, l’autre en Lorraine, sous ceux de notre ami La Fayette, de façon à pénétrer par la Moselle dans l’électorat de Trêves, et une troisième sous les ordres d’un M. Luckner, en Alsace. Ce dernier, dit-on, n’a que bien peu de capacités, et vous connaissez les deux autres. Écartant tous les autres côtés de la question, il est évident que l’empire devra réunir des forces pour les opposer aux forces ainsi ordonnées ; on ne peut donc douter que 50,000 Prussiens et 50,000 Autrichiens n’apparaissent aussi rapidement que le permettront les circonstances. Vous n’avez pas idée, mon cher monsieur, d’une société organisée de façon aussi incohérente. Dans ses pires époques, l’Amérique était bien mieux, parce que, au moins, la loi criminelle y était exécutée, sans parler de la douceur de nos mœurs. La lettre où je prédisais la situation actuelle a pu paraître la divagation d’une fantaisie exagérée, mais, croyez-moi, elle restait dans les plus strictes limites de la vérité. L’armée est indisciplinée à un point que vous auriez peine à concevoir. Déjà beaucoup désertent vers ceux qu’ils croient devoir devenir l’ennemi. La garde nationale, devenue un corps de volontaires, n’est souvent que l’écume corrompue de populations trop denses dont les grandes villes se débarrassent, et qui, incapable physiquement de résister à la fatigue et sans courage pour affronter les périls de la guerre, possède tous les vices et toutes les maladies propres à en faire le fléau des amis et la dérision des ennemis.

Les finances sont dans un mauvais état déplorable. Le