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APPENDICE.

gainville avait refusé. Il y était poussé par les Quatre-vingt-neuf, qu’il méprise, et il dit au roi qu’il ne voulait pas faire partie d’un ministère, dont il savait que plusieurs membres n’étaient pas fidèles. La même influence favorisa M. Bertrand, bien qu’il soit réellement attaché à la Couronne et désire ardemment obtenir pour son pays une bonne constitution ; c’est un homme sensible, intelligent et laborieux — il a porté la robe — et l’ami intime de M. de Montmorin. Je vous ai informé autrefois que M. de Choiseul avait refusé les Affaires étrangères. Pendant que l’on cherchait quel successeur l’on donnerait à M. de Montmorin, le roi, de son propre mouvement, nomma le comte de Moustier, et lui écrivit à ce sujet une lettre que Moustier m’a montrée depuis. Il a eu la prudence d’écrire de Berlin pour refuser d’accepter jusqu’à son retour à Paris. Lorsqu’il y arriva, le roi lui dit qu’il ne pouvait le nommer, parce qu’on le considérait comme aristocrate. Vous remarquerez que la coalition avait travaillé pour l’éliminer, et ici je dois faire une digression. Le plan était de nommer, dès que les circonstances s’y prêteraient, un ministre de la guerre fidèle au roi ; puis Bougainville prendrait la marine, Bertrand serait nommé garde des sceaux, et Delessart serait conservé ou renvoyé selon sa conduite. Ce plan était complètement ignoré de la coalition, mais elle savait bien que si Moustier était nommé, ce serait un pas de fait vers la destruction de son influence et de son autorité ; on assura donc au roi qu’on ne pouvait répondre des conséquences, on le menaça de commotions populaires, d’opposition dans l’Assemblée et ainsi de suite, si bien qu’enfin il abandonna la nomination et expliqua l’affaire à Moustier. Il s’ensuivit un long interrègne à ce ministère, et comme M. de Montmorin refusait absolument d’y rester, le portefeuille fut confié à M. Delessart, et quelque temps après, le comte de Ségur fut nommé. Il accepta en croyant à deux choses pour chacune desquelles il se trompait : l’une, qu’il jouissait des bonnes grâces du roi et de la reine, mais il n’avait jamais pris le bon chemin pour obtenir leur confiance ou celle des autres ; le second article de son credo était que les triumvirs (ses patrons) disposaient d’une majorité dans l’Assemblée. Il fut immédiatement détrompé