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APPENDICE.

sur ce dernier point ; il abandonna aussitôt le ministère et quitta la ville.

Dans ces circonstances, M. de Narbonne fit tous ses efforts pour obtenir la place, et puisque j’ai écrit son nom et celui de M. de Choiseul, je veux parler ici de l’abbé de Périgord, devenu évêque d’Autun. Tous les trois appartiennent à de grandes familles ; ce sont des hommes d’esprit et de plaisir. Les deux premiers avaient eu de la fortune, mais l’avaient dépensée. Ils étaient tous les trois intimes, et avaient ensemble parcouru la carrière de l’ambition pour refaire leur fortune. Aucun n’est un modèle sous le rapport de la moralité. On blâme particulièrement l’évêque sur ce chapitre, non pas tant parce qu’il est adultère, chose assez commune dans le haut clergé, mais à cause de la variété et de la notoriété de ses amours, à cause du jeu, et surtout de ses spéculations sous le ministère de M. de Calonne, avec qui il était dans les meilleurs termes — il avait ainsi des renseignements dont ses ennemis disent qu’il profitait largement. Je n’en crois rien, cependant, et je pense qu’en exceptant ses galanteries et sa manière de penser un peu trop libérale pour un ecclésiastique, les accusations sont très exagérées. Ce fut principalement par les intrigues de l’évêque que M. de Choiseul fut autrefois nommé aux Affaires étrangères, mais il préféra rester à Constantinople, jusqu’à ce qu’il pût voir comment les choses tourneraient ; pour cela, il détermina le Vizir, ou plutôt le Reis Effendi, à écrire qu’il pensait que l’intérêt de la France demandait pendant trois ans encore son maintien dans cette ville. L’on dit que M. de Narbonne est le fils de Louis XV et de Mme Adélaïde, sa propre fille et tante du roi actuel. Il est certain que la vieille dame, actuellement à Rome, l’a toujours protégé et favorisé très chaudement.

Au commencement de la Révolution, il était grand anti-Neckeriste, bien qu’étant l’amant en titre de Mme de Staël, fille de M. Necker ; il était violemment opposé à la Révolution, et il y eut plus tard une certaine froideur entre lui et l’évêque, en partie à cause de la politique, et en partie parce que, d’accord avec tout le monde, il croyait l’évêque trop bien avec sa maîtresse. À ce propos, elle me dit qu’il n’en est