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JOURNAL DE GOUVERNEUR MORRIS

chapelle et le dôme sont sublimes. À la cuisine, on nous fait remarquer, entre autres choses, une petite marmite contenant 2,500 livres de bœuf pour la soupe de demain, et une autre, moins grande, pour messieurs les officiers. Le spectacle qui produisit sur moi la plus grande impression, fut de voir à genoux dans la chapelle un grand nombre de vétérans mutilés. Leur piété est des plus sincères. Pauvres diables qui n’ont plus rien à espérer en ce monde ! Les femmes s’agenouillent en approchant de la sacristie. M. Millet me suggère l’idée de composer une prière pour les deux plus belles ; elles la trouvent supérieure à toutes celles du missel. M. Millet me dit qu’il a entendu un certain nombre d’invalides exprimer le regret qu’un aussi bel homme que moi ait perdu une jambe. Il ne m’avait pas vu donner à l’un d’eux un écu, sans quoi il aurait pu apprécier le compliment et la compassion de ces gens à leur juste valeur.


26 avril. — Je reçois d’une dame un billet anonyme, contenant une déclaration d’amour. J’écris une réponse ambiguë à ma belle inconnue, et j’envoie mon domestique Martin suivre le messager, un petit garçon, qui remet mon mot à une femme de chambre. Celle-ci entre chez M. Millet. Le billet vient donc de sa maîtresse, qui mérite d’être courtisée. Je vais alors chez Mme Millet, mais je ne trouve pas l’occasion de lui dire un mot en particulier. Je vais ensuite chez Mme de Chastellux, et j’apprends que, comme d’habitude, la duchesse vient de la quitter en laissant un mot pour moi. C’est quelque peu ridicule, mais j’exprime néanmoins mes regrets. Le soir, chez Mme de Flahaut, on est en plein dans la politique dont je suis fatigué. Après le souper, l’évêque d’Autun nous lit la protestation de la noblesse et du clergé de Bretagne ; je commets l’impolitesse de m’endormir pendant cette lecture. Mme de Flahaut n’est pas très bien ; de plus, il lui est arrivé, aujourd’hui, quelque