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APPENDICE.

mortelle entre les divers partis de l’Assemblée. À la tête de la faction jacobine est la députation de Bordeaux, et cette ville, vous le savez, est particulièrement hostile aux intérêts de notre commerce. C’est à cette hostilité, ou plutôt à cette confusion universelle, que Dumouriez faisait allusion en s’excusant d’avoir retardé mon audience. C’est elle aussi que son secrétaire intime avait en vue quand il me parlait de la nécessité de mettre plus de suite dans les idées de l’Assemblée, avant de pouvoir rien faire. M. Dumouriez m’a dit qu’il n’avait aucune inquiétude du côté de la Prusse, dont le seul but était d’engager à fond la maison d’Autriche, puis de profiter de ses embarras. Je lui ai répondu qu’il devait naturellement être bien informé à ce sujet, mais depuis que le ministre de Prusse était parti sans prendre congé, je ne pouvais que supposer les intentions de cette cour plus sérieuses qu’il ne se l’imaginait. Il me donna de nombreuses raisons pour son opinion, que je n’aurais regardée que comme une opinion objective, si en d’autres circonstances ses intimes ne me l’avaient pas citée, et si je ne connaissais la source où il puise ses meilleurs renseignements.

Un événement récent vient de donner une nouvelle force à cette manière de voir : je parle de l’attaque de la Pologne par l’impératrice de Russie pour détruire sa nouvelle constitution. On ignore si ce mouvement est concerté avec les cabinets d’Autriche ou de Prusse. Je ne puis pas encore me faire une opinion acceptable à ce sujet, mais je crois que, dans l’un et l’autre cas, ces cabinets poursuivront leurs vues sur ce pays-ci. Les détails où je suis entré et les renseignements que vous pourrez avoir par les journaux publics, montrent qu’en ce moment il sera bien difficile d’attirer l’attention sur d’autres objets que ceux qui causent en ce moment une si grande agitation. Le meilleur tableau que je puisse vous donner de la nation française serait celui d’un troupeau fuyant devant la tempête. Pour ce qui est du ministère, chacun de ses membres s’emploie à se défendre ou à attaquer son voisin. Je m’occuperai néanmoins des choses que vous me recommandez. Les obstacles au succès ne font qu’exciter mes efforts. Il faut pourtant s’y prendre avec précaution,