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APPENDICE.

peuple. Vous savez ce qui en est de cette moralité, et vous pouvez naturellement, si c’est nécessaire, faire le calcul.

Les forces de l’étranger sont, pourtant, une circonstance prépondérante en cette occasion et je crois que le résultat dépendra de leur activité. Si le duc de Brunswick s’avance rapidement, beaucoup le rejoindront, même parmi les armées qui lui sont opposées, parce que la dernière révolution fournira à quelques-uns une raison et à d’autres un prétexte pour quitter la cause qu’ils avaient épousée. Si, au contraire, sa marche est prudente et lente, il est probable que ceux qui actuellement se taisent par crainte s’habitueront graduellement à parler favorablement du gouvernement actuel, pour détourner les soupçons, et qu’ainsi nous verrons grandir une opinion publique qui, dès qu’elle se sera manifestée, s’imposera à la généralité. Si de cette façon la nouvelle république s’enracine plus profondément, je crois que les puissances étrangères trouveront une certaine difficulté à la renverser ; car la nation française forme une masse immense, qu’il n’est pas facile de mettre en mouvement ni d’arrêter. Vous remarquerez, monsieur, que tout se réduit aujourd’hui à un simple débat entre une monarchie absolue et la république, tous les termes intermédiaires ayant disparu. Ce débat devra aussi être résolu par la force, parce que l’un des adversaires est le peuple qui ne peut pas traiter lui-même, et ne veut pas permettre à d’autres de traiter, à sa place, les intérêts importants actuellement en jeu. Si, comme autrefois, quelques nobles factieux étaient à la tête d’un parti, ils saisiraient, comme alors, la première occasion de faire des arrangements pour eux-mêmes sur le dos de leur parti ; mais sans entrer ici dans une question d’honnêteté relative, je ne crois pas que le peuple soit assez attaché à des individus pour avoir ce que l’on appelle des chefs ; ceux qui paraissent tels sont, à mon avis, plutôt des instruments que des agents. Je n’entre pas dans l’histoire des choses pour ne pas vous ennuyer de la récapitulation des faits. Je saisis l’occasion actuelle de vous envoyer tous les journaux depuis ma dernière lettre ; vous y trouverez tous les détails que vous pourrez désirer. Depuis l’affaire du 10, le Logographe, la Gazette universelle et l’Indicateur sont sup-