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JOURNAL DE GOUVERNEUR MORRIS

pondante inconnue, mais je ne donnerais pas six pence pour être fixé là-dessus.


2 mai. — Je vais chez Mme La Fayette, mais elle va partir à Versailles. La Fayette s’y est déjà rendu en qualité de député. Je passe quelques instants chez Mme de Puisignieux qui est à sa toilette. Je vais ensuite voir Mme de Ségur, et je m’amuse avec les enfants ; je la laisse à sa toilette, pour la revoir encore ce soir chez Mme de Puisignieux : elle me dit que, puisque j’y serai, elle y restera toute la soirée au lieu d’aller à un autre rendez-vous. Pendant cette soirée, un monsieur régale les dames en leur racontant la pendaison de jeudi dernier. C’est le colonel d’un régiment qui était de service à l’exécution. Nous buvons une quantité de thé bien faible, que Mme de La Caze appelle avec raison du lait coupé. Mme de Ségur arrive pendant le souper, et je lui dis, ce qui est vrai, que j’allais partir, mais que maintenant je resterai. Dans un coin, la conversation roule, comme d’habitude, sur la politique, et principalement sur la disette. M. Necker est fortement blâmé, et bien à tort selon moi. Une folie a bien été commise, mais c’est la seule chose où l’on ne trouve rien à reprendre. Je parle de l’ordre de perquisitionner dans les granges des fermiers. On passe aussi l’émeute sous silence. Le baron de Besenval, qui a donné l’ordre de la répression, paraît être enchanté de son œuvre. Il avait, dit-on, commandé de faire marcher la garde suisse avec deux pièces de canon, et, au moment où l’on s’apprêtait à s’en servir, la foule s’enfuit à toutes jambes. Il est donc convenu que le baron est un grand général, et, puisque ce sont des dames qui le disent, ce serait fou de les contredire. Si j’étais militaire, je penserais que deux pièces lançant des projectiles de quatre livres ne sauraient servir à grand’chose dans une ville comme celle-ci, où les rues sont généralement si étroites que deux voitures peuvent à peine y passer