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JOURNAL DE GOUVERNEUR MORRIS

semaine dernière, sauf le capitaine de marine. Après le dîner, les dames proposent une promenade en Seine que j’accepte avec empressement. Nous y serons moins remarqués, ce qui n’est pas sans importance, vu les invités. M. Millet refuse de nous accompagner et sa femme est contente de se débarrasser de lui. Il a l’air de s’en apercevoir, et rentre seul chez lui, en savourant les réflexions qu’une telle idée ne peut manquer de lui suggérer. Nous montons à bord d’un bateau de pêche malpropre ; nos sièges sont des planches également malpropres mises en travers. Mlle Millet, qui a une robe de mousseline ornée de belle dentelle, paraît toujours belle, malgré le piteux état de ses vêtements. Son amie paraît enchantée de mes attentions ; elle essaie de faire la modeste, mais elle y réussit très mal. Après une descente assez longue, nous remontons jusqu’à la barrière de Chaillot, mais par suite d’une erreur dans les ordres (ce qui a causé la perte de nombreuses batailles), nous ne pouvons retrouver nos voitures et nous rentrons à pied. Les femmes, folles comme des oiseaux échappés de leur cage, envoient les hommes de différents côtés, mais toujours pas de nouvelles de nos équipages. Nous traversons la rivière pour aller les chercher à l’endroit où nous avons dîné. Ne les trouvant pas, nous retraversons et nous apprenons par un domestique qu’ils sont à la grille de Chaillot. Nous traversons encore une fois. Après avoir attendu quelque temps (les dames s’amusant dans l’intervalle à courir de tous côtés), les voitures arrivent enfin, et je puis rentrer chez moi. Je m’habille pour aller chez Mme de Flahaut. La société est nombreuse ; elle s’occupe beaucoup de politique et un peu de jeu. Je ne rentre qu’à une heure, ayant reconduit chez lui un monsieur qui n’avait pas de voiture. Je me mets à lire jusqu’à près de deux heures, et je me couche, exténué de m’être tant amusé, si je puis parler ainsi de ce qui ne m’a pas amusé du tout. J’incline à croire que Mme Roselle est ma corres-